Il y a trois ans, la rédaction de Témoignage Chrétien que je venais de rejoindre a engagé une action pour demander une commission d’enquête parlementaire sur les crimes pédophile dans l’Église catholique. Malgré le soutien de quelques uns de mes amis sénateurs socialistes que je veux ici remercier comme je l’ai fait sur tweeter -Laurence Rossignol, Marie-Pierre de la Gontherie, Patrick Kanner et Jean-Pierre Sueur-, cette démarche n’a pu aboutir ; au Sénat elle s’est heurté aux arguments fallacieux du Président de la commission des lois, Philippe Bas, évoquant, au moment même où il instruisait, avec il faut le dire un certain talent, les dessous de l’affaire Benalla, l’impossibilité constitutionnelle d’une enquête parlementaire sur des sujets qui sont dans les mains de la justice, et excipant, de façon tout à fait étonnante, le principe laïque de séparation des Églises et de l’État, pour estimer que le Parlement ne pouvait s’immiscer dans les affaires internes de l’Église catholique. La majorité macroniste à l’Assemblée, à l’époque présidée par Gilles Le Gendre a été plus hésitante : nous avions bénéficié du soutien de certains de ses membres, notamment de mon ami Jacques Maire qui avait signé notre appel et que je veux également remercier ; mais le souci d’ »apaisement » avec l’Église catholique tel qu’exprimé par Emmanuel Macron quelques mois auparavant devant la Conférence des évêques de France dans son discours au Bernardin l’a emporté, et cette demande de commission n’a pas été reprise par le groupe.
Si nous avons perdu cette bataille à l’époque, elle n’a pas été vaine et la sortie prochaine du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (la Ciase), présidée par l’ancien vice-président du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé et dont la presse s’est fait l’écho aujourd’hui montre que nous avons eu raison d’engager ce combat en obligeant les responsables de l’Église catholique à décider de faire la transparence sur le sujet, après des décennies de déni et de dissimulation.
La question qui se pose désormais est de savoir si le cléricalisme, le principal péché du catholicisme -selon les propres termes du pape François-, et qui a traité ces crimes pédophiles comme un secret de famille -à l’image de ceux qui justement se passent dans les familles et dont on commence seulement à percevoir l’importance-, saura tirer les conséquences de ces révélations, et pas seulement dans des déclarations, voire des prières, comme il y en a eu tant, ou dans des dispositifs de prévention et de signalement qui n’ont guère fonctionné, comme en atteste le bilan limité de la commission nationale d’expertise sur la pédophilie mise en place en 2016 et présidée par Alain Christnacht. Or rien n’est moins sûr, car ce que révèle l’attitude de l’institution sur ces crimes c’est d’abord les failles de l’anthropologie catholique, notamment de sa compréhension de la sexualité, comme l’illustre aussi la distorsion entre la condamnation de l’homosexualité et sa pratique à grande échelle au cœur même du pouvoir catholique, ainsi que l’a révélé « Sodoma », l’enquête de Frédéric Martel sur le Vatican.
Paris, Croulebarbe, le 3 octobre 2021.
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