Chantiers, Sur le fil

Modeste contribution aux mesures d’urgence et de rupture avec le néo-libéralisme : (1) sur la Sécurité sociale

Le lancement de la dynamique du Front populaire, dynamique que je soutiens, après la décision cynique et irresponsable d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée Nationale suite aux résultats catastrophiques de sa liste aux européennes et à la victoire par KO du RN, me redonne espoir dans la capacité de la gauche à assumer la responsabilité de gouverner le pays, même si évidemment ce n’est pas gagné. Si la dynamique se confirme et si une majorité Front populaire sort des urnes, il lui faudra, très rapidement et au-delà des ambitions programmatiques, exercer les responsabilités, alors qu’à l’évidence elle n’y est pas prête.

A la place qui est la mienne, un « ingénieur des politiques publiques », je souhaite, dans mes domaines de compétence, apporter ma modeste contribution, comme il m’est arrivé de le faire dans le passé aux candidats à nos suffrages, mais cette fois-ci de façon publique, sur ce blogue. Aujourd’hui, sur le sujet de la Sécurité sociale (au sens large, ce qu’on appelle généralement l’Etat-providence), et en fidélité avec le programme du Conseil Nationale de la Résistance qui prévoyait « un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ». Ces propositions sont issues d’un livre en préparation sur le sujet. Ne sont pas développées ici les questions de fond, comme la mise en place d’un Etat social écologique, ou la mise en place pour moi nécessaire d’un revenu universel, même si, évidemment les travaux doivent être engagés dès maintenant.

Ces propositions sont réalistes et réalisables (c’est métier) mais nécessiteront d’être financées et donc de renouer avec le consentement à la solidarité qui a permis la mise en place de la sécurité sociale (voir la dernière partie).

  • Sur les retraite

Compte tenu de la crise qu’a généré la réforme injuste et brutale des retraites ce sujet doit être traité en priorité, mais en n’amputant pas les marges de manœuvre nécessaires pour investir dans les autres domaines de la sécurité sociale.

    • Abroger la disposition relative à la retraite à soixante-quatre ans, pour revenir à la situation antérieure
    • Avant de revenir éventuellement au principe de la retraite à soixante ans reprendre le dossier à la source en instituant une commission indépendante
    • Instituer sans attendre une vraie retraite minimale qui se substitue au minimum contributif et au minimum vieillesse dès l’année 2025

 

  • Sur les minima sociaux et les prestations familiales et de solidarité

La situation de la branche famille de la Sécurité sociale s’est profondément dégradée depuis six ans, avec des réformes mal évaluées, une profonde désorganisation, une dérive des contrôles,  etc. Parallèlement la pauvreté a fortement augmenté et les multiples réformes de l’assurance chômage y ont contribué. Sans attendre des réflexions de fonds, notamment sur la question du revenu universel, des mesures d’effet rapide peuvent être prises.

    • Abroger le décret sur l’assurance chômage et, à court terme, renvoyer à une nouvelle négociation des partenaires sociaux.
    • Accélérer le dispositif de « solidarité à la source » pour favoriser l’accès au droit
    • Revenir à une période de référence d’un an pour le calcul des allocations logement
    • Repenser la doctrine de contrôle de la Cnaf pour sortir de la suspicion de fraude généralisée
    • Engager un chantier de mise en place d’un revenu universel à caractère socio-fiscal et qui pourrait s’inscrire dans un contrat de gouvernement après 2027
    • D’ici là mettre en place un programme d’individualisation des prestations de solidarité, comme cela a été fait pour l’AAH
    • Mettre en place un réel congé parental d’une durée suffisante, correctement rémunéré et partagé entre les deux parents
    • Investir massivement dans un programme de création de crèches sur un modèle non lucratif (public ou relevant de l’ESS).

 

  •  Sur la santé, le handicap, la dépendance et l’assurance maladie

Avec la crise hospitalière, celle des urgences, de la psychiatrie, avec les questions non réglées de la dépendance et des soins palliatifs, les questions les plus urgentes sont dans ce domaine. Les mesures précédentes qui permettent de répondre aux aspirations  des citoyens, notamment les plus modestes, doivent, sous réserve du chapitre suivant, laisser des marges de manœuvres suffisantes pour permettre de réinvestir dans le système de santé.

    • Fixer dès cette année un Ondam supérieur de 1 à 2 points au taux de croissance du PIB pour dégager des marges de manœuvre pour investir dans la santé et ce dès cette année (PLFSS rectificatif dès juillet).
    • Mettre en place une majorité simple au lieu d’une majorité des deux tiers au sein du conseil de la Cnam pour nommer un nouveau directeur général.
    • Pour les structures privées lucratives plafonner à un niveau raisonnable les profits qu’ils peuvent tirer de leur activité sanitaire et sociale (pour éviter les dérives constatées dans les cliniques privées, les Ehpad ou les crèches, par exemple) et mettre en place avec la caisse des dépôts un dispositif de soutien à l’investissement public et non lucratif dans le domaine sanitaire et social.
    • Dans ce cadre mettre en place un plan d’urgence pour les hôpitaux, notamment pour les urgences et la psychiatrie, avec notamment une amélioration de la rémunération des soignants.
    • En même temps que le vote d’une loi sur l’aide à mourir, investir massivement dans les soins palliatifs de façon à ce que toute personne en fin de vie puisse y avoir accès.
    • Engager une loi dépendance prévoyant un financement suffisant pour qu’elle soit effective.
    • Dans le cadre d’une relance de la planification, élaborer une réelle stratégie nationale de santé qui ait pour objectif principal l’accès de tous aux soins avec un volet de prévention, notamment environnementale, ambitieux.
    • Sans attendre mettre en place un conventionnement sélectif avec les médecins en ne conventionnant plus de nouveaux médecins dans les zones où la densité médicale est suffisante.
  • Sur le financement et le consentement à la solidarité

De nombreuses dispositions ci dessus peuvent relever d’un PLFSS rectificatif, ou du prochain PLFSS. Pour qu’elles soient soutenables économiquement il est nécessaire de sortir du dogme de la baisse (ou au moins du plafonnement) des prélèvements obligatoires, du « ralbol fiscal » de Moscovici. Bien sûr il faut que les plus riches participent beaucoup plus à la solidarité et sortent du séparatisme fiscal organisé par la majorité actuelle, mais ne nous leurrons pas, cela ne suffira pas. Il faut donc assumer une pression fiscale et sociale plus forte, en tous cas supérieure en tendance à la croissance du PIB. Cela peut être compensé par un meilleur partage de la valeur ajoutée au bénéfice des salariés. Mais pour que cela soit soutenable il faut redonner du sens au « consentement à la solidarité ». Les mesures précédentes peuvent bien sûr y contribuer, mais il faut redonner une vraie visibilité. Cela doit faire l’objet d’une politique active qui valorise la compréhension de nos système de solidarité.

    • Transformer les maisons « France service » en Maisons de la fraternité (proposition de Stéphane Hessel et Edgar Morin) associant toutes les Caisses et les services publics et solidaires et associant les intéressés à leur gestion.
    • Dans ce cadre mettre en place un programme ambitieux d’inclusion numérique favorisant l’accès au droit.
    • Développer par des actes concrets la dimension écologique de la sécurité sociale
    • Consulter le Cese sur le PLFSS (ainsi que le PLF) avant son examen par le parlement avec un débat public.

Paris, Croulebarbe, le 12 juin (terminé en écoutant l’allocution d’Emmanuel Macron)

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