Lundi dernier j’ai écrit sur le double pari cynique d’Emmanuel Macron. Depuis, en reprenant au bond la proposition d’un Nouveau Front Populaire lancée par François Ruffin, la volonté unitaire des responsables et du peuple de gauche a fait naître un immense espoir et ouvert à une gauche à nouveau unie la possibilité, non seulement de faire barrage à l’extrême droite, mais aussi de gagner les législatives et de gouverner le pays pour le sortir de l’impasse néo-libérale dans laquelle l’a entraîné Emmanuel Macron.
En excluant hier des investitures LFI cinq députés sortants pour crime de lèse-majesté, le lider maximo a non seulement voulu régler un compte personnel avec ses opposants, mais aussi, après avoir laissé entendre qu’il ne ferait pas les dérapages auxquels il nous avait habitué, joué clairement contre ce qui est supposé être son camp. On peut penser qu’il parie sur la non victoire du Nouveau Front Populaire, avec donc une minorité parlementaire mais avec en son sein une majorité de députés qui lui soient affidés, autrement dit des « insoumis soumis » au parrain, avec en sous-jacent, et comme pour Emmanuel Macron, un double pari :
- Soit cela aboutit à une situation ingouvernable qui ne pourra que conduire Emmanuel Macron à démissionner, puisqu’il ne peut plus dissoudre et qu’il ne. trouvera pas de majorité pour nommer un gouvernement.
- Soit, deuxième branche du pari d’Emmanuel Macron également, cela donnera une majorité, relative ou absolue, au Rassemblement National ce qui obligera le Président à nommer Jérôme Bardella Premier ministre, avec le secret espoir que les trois ans de gouvernement RN en dégouteront les français. Ce qui lui permettra également, contrairement à Emmanuel Macron, d’être en position pour se présenter une quatrième fois à la présidence de la République.
Comme celui d’Emmanuel Macron, donc un double pari non seulement cynique mais aussi, comme aurait dit Jacques Prévert, stupide : car il risque de donner pour longtemps les clés de la République, notre maison commune, au Rassemblement National.
En fait tout porte à croire qu’il n’a guère envie que la gauche assume la responsabilité de gouverner le pays pour ne pas se retrouver elle-même piégée et déconsidérée dans trois ans ; ou, pire encore pour lui, qu’elle arrive à inverser la tendance mortifère pour redonner espoir aux français et préparer dans de bonnes conditions une présidentielle qui ne serait pas sous le signe du bruit et de la fureur. Peut-être surtout parce que son objectif n’est pas de gouverner le pays en mettant ses capacités politiques à son service, mais juste d’en être Président pour pouvoir enfin dire sans déclencher les sourires : « La République, c’est moi ! ».
En fait que ce soit Macron ou Mélenchon, c’est l’Hubris qui les tient, au risque de voir s’abattre sur eux, mais hélas aussi sur nous, la colère de Némésis, détruisant au passage tous les beaux héritages de notre République.
Paris, Croulebarbe, dans la nuit du 15 au 16 juin 2024
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