Bref !, Sur le fil

Et revoilà les arrêts de travail

Coup de tonnerre dans un ciel serein, l’interview du Directeur général de la Cnam, Thomas Fatôme dans les Echos de ce lundi : « Il faut réfléchir à un nouveau système d’indemnisation des arrêts de travail », prévient le patron de l’Assurance Maladie.

C’est vrai que dans le dérapage des comptes on avait oublié ceux de l’assurance-maladie, le fameux « trou de la sécu », et plus généralement de ceux de la sécurité sociale (un budget -faut-il le rappeler ?- plus important que celui de l’Etat). Le « patron » de l’assurance maladie annonce que (oh surprise !) « le déficit de l’assurance maladie sera vraisemblablement plus élevé que les 11,4 milliards d’euros attendus » prévu, alors qu’à partir de cette année, il n’est pas repris par la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale).

Et de quoi parle le directeur de la Cnam pour faire face à ce trou abyssal : des arrêts de travail dont le coût a, dit-il, augmenté très fortement au cours des six premiers mois de l’année (+ 8,5% en année pleine). Tout cela dit dans la novlangue de l’assurance maladie« une partie de ces dépenses (…) pourraient contribuer à améliorer les droits des assurés, à financer les médicaments, l’innovation médicale et augmenter la rémunération des professionnels de santé »  ; alors qu’évidemment, comme il s’agit de « faire des économies » (ou du moins de ralentir la croissance de ces dépenses) pour réduire le déficit, les sommes  économisées ne seront évidemment pas réinjectée ailleurs.

Bien sûr, c’est nécessaire de contrôler les arrêts de travail pour éviter les abus, sinon la dépense risque de dériver, et c’est d’ailleurs ce que j’avais fait en 2003, avec un réel succès puisque les économies générées grâce à ces contrôles ont largement contribué au plan d’économie lancé l’année suivante par Douste Blazy. Ainsi l’actuel directeur général de l’assurance maladie reprend l’idée de cibler les « 7000 médecins généralistes qui prescrivent des arrêts de manière importante« , car c’est évidemment là que les risques d’abus sont les plus importants, mais tout en évitant soigneusement de parler de « contrôle et de sanction » ; faudrait tout de même pas se fâcher avec les partenaires conventionnels. Passons sur la lutte contre la fraude aux faux certificats, nécessaire sans doute, mais dont l’effet est marginal. L’essentiel de son message n’est pas là : sous prétexte d’équité, il suggère de façon implicite de créer des jours de carence d’ordre public, c’est à dire non remboursés par l’assurance maladie et qui ne peuvent pas être pris en charge par l’employeur ; la même idée que les fameuses franchises introduites par le même plan Douste-Blazy (dont il était membre du cabinet) avec l’idée sous jacente de « responsabiliser » les assurés, alors que comme les franchises, il ne s’agit que d’une mesure de déremboursement qui s’apparente à une punition collective : les malades de la grippe comme ceux qui se font « porter pâle » le lundi matin. C’est d’ailleurs pour cela que les jours de carence ont été supprimés pendant la crise Covid.

Ce qui surprend le plus c’est, passé la référence aux effets de l’inflation, qui mécaniquement augmente le coût des indemnisations et du vieillissement démographique, l’absence de réflexion sur les causes de la croissance des arrêts de travail et notamment sur le fait que ce sont surtout les arrêts longs qui augmentent, alors que les risques d’abus portent surtout sur les arrêts courts.  Par exemple les effets de la réforme de la retraite, alors que le risque de report sur des dépenses comme les arrêts de travail, comme sur les allocations chômage ou sur le RSA, avait été pointé par les projections. Ou encore, les effets du développement des risques dépressifs ou au travail, et notamment des risques psycho-sociaux, qui se sont considérablement accrus après la crise Covid. D’ailleurs en appelant à ce que « l’Etat et les partenaires sociaux se remettent autour de la table à ce sujet en impliquant les médecins« , il n’est pas prévu de mettre à l’ordre du jour ces causes structurelles et leur prévention, alors que la Cnam gère aussi la branche « Accidents du travail et maladies professionnelles » qui est supposée investir dans la prévention des risques professionnels.

Au total on peut surtout s’inquiéter de la disproportion de la réaction sur les arrêts de travail, au regard des enjeux financiers : avec à peine plus de 16 Mds € la dépense ne représente que 6% environ d’un Ondam qui devrait dépasser les 255 Mds € prévus dans la loi de financement de la sécurité sociale et l’équivalent du déficit prévu pour l’assurance maladie ; sauf à supprimer totalement leur indemnisation les économies réalisées sur ce poste ne pourront contribuer que marginalement à l’équilibre des comptes.

Paris, Croulebarbe, le 10 septembre 2024

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