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Stop à la maltraitance institutionnelle (sur la campagne lancée par ATD)

« Stop à la maltraitance institutionnelle », tel est l’intitulé de la campagne qu’a lancé ATD Quart-Monde [1] le 19 septembre et qui sera prolongée le 17 octobre à l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère[2]. La maltraitance institutionnelle c’est le paradoxe de ces institutions sociale, comme les Caf ou France Travail, mais aussi le 115, le service de tutelle, l’aide sociale à l’enfance, ou encore l’école ou la préfecture… , par essence « aidantes » et  qui se retrouve être « maltraitantes ». Une maltraitance institutionnelle le plus souvent involontaire et même inconsciente qui constitue un impensé des politiques sociales, et plus généralement des politiques publiques. Un concept qui n’a d’ailleurs été intégré que récemment dans le droit, avec la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui stipule que « la maltraitance vise toute personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement » et précise que l’origine des situations de maltraitance « peut être individuelle, collective ou (justement) institutionnelle ».

Un concept qui permet de mettre un mot sur toute une série de tracasseries administratives du quotidien dont chacun peut être victime -des délais de traitement trop long, des contrôles suspicieux, l’absence d’interlocuteur à l’accueil ou au téléphone, des contradictions entre les réglementations ou des bugs dans les traitements informatiques, des procédures trop lourdes, une informatisation mal conçue et une numérisation à outrance- , mais qui devient maltraitante quand elle touche les personnes les plus vulnérables, et en particulier les plus pauvres. Elle constitue en effet une des « dimensions cachées de la pauvreté » comme l’avait montré l’étude réalisé en 2019 par ATD et l’Université d’Oxford, et participe ainsi de la spirale de la pauvreté.

La campagne d’ATD n’est pas accusatoire, ni vis à vis des professionnels, ni même vis à vis des responsables des institutions ; elle est d’abord un appel à une prise de conscience de ce phénomène, de sa gravité : découragement, dévalorisation, fragilisation, isolement, épuisement, stress, peur, colère, tout cela contribue aux difficultés d’accès au droit, au renoncement même, et à la perte de confiance dans les institutions.

Pour autant elle met en cause les politiques publiques : le conditionnent tatillon des droits, qui va être renforcé avec la généralisation de l’obligation de 15h d’activités pour bénéficier du RSA au 1er janvier 2025, une politique de lutte contre la fraude qui repose sur la défiance et la suspicion, une dématérialisation et une numérisation conduite au détriment de l’accompagnement humain, lui même contraint par les réductions d’effectifs dans les services publics, la complexité des démarches et le maquis juridique, la multiplicité des interlocuteurs qui « transforme les personnes en balle de ping-pong », la difficulté à contester les décisions et à engager des recours.

Cela conduit à quatre propositions fortes.

  • Mettre en place une garantie de ressources inconditionnelle dès l’âge de 18 ans. Ce qui devrait relancer l’idée d’un revenu de base, universel, même si ATD se garde bien d’utiliser le terme.
  • Remettre de l’humain dans les services publics. Cela nécessite notamment de développer un « numérique à visage humain » tant dans la conception des traitements en y associant les usagers, que dans la capacité pour les gestionnaires de tenir compte des situations individuelles, et surtout de compléter la politique de numérisation des services publics par une politique d’inclusion numérique.
  • Permettre un accès aux droits effectif. Ce qui suppose bien sûr que les responsables des finances publiques cessent de considérer que les sommes non dépensées en raison du non accès aux droits constituent une source d’économie « indolore ».
  • Faciliter les recours administratifs et juridiques. Ce qui est particulièrement important quand la suspension des aides qui semble se généraliser en cas de suspicion  de fraude remet en cause l’accès de beaucoup à ce qui n’est même pas un minimum vital.

Tout cela nécessite de lutter contre ces idées fausses sur les pauvres et la pauvreté, qu’ATD dénonce depuis plus de 10 ans [3].En d’autres termes, pour lutter contre la maltraitance institutionnelle il faut développer une forme d »empathie administrative.

[1] STOP A LA MALTRAITANCE INSTITUTIONNELLE : AIDANTES ET MALTRAITANTES, LE TERRIBLE PARADOXE DES INSTITUTIONS – ATD Quart Monde – France

[2] Voir le rapport présenté à cette occasion : 2024_09_19_Stop-à-la-maltraitance-institutionnelle_ATDQM.pdf

[3] ATD Quart Monde  « En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté », Editions de l’Atelier.

Paris, Croulebarbe, le 21 septembre 2024

Voir la vidéo de la présentation Stop à la Maltraitance institutionnelle

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