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Quelqu’un à qui parler…

Sous ce titre, Témoignage Chrétien de ce jeudi 25 septembre a repris en grande partie mon papier de blogue « Stop à la maltraitance institutionnelle » sur la campagne que ATD vient de lancer sur le sujet.

« Stop à la maltraitance institutionnelle », tel est l’intitulé de la campagne qu’a lancée ATD Quart Monde le 19 septembre et qui sera prolongée le 17 octobre à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère.

La maltraitance institutionnelle est le paradoxe des grandes institutions sociales, comme la Caisse nationale d’allocations familiales ou France Travail, mais aussi le 115, le service de tutelle, l’Aide sociale à l’enfance, ou encore l’école et la préfecture, par essence « aidantes » et qui se retrouvent « maltraitantes ». Une maltraitance institutionnelle le plus souvent involontaire et même inconsciente qui constitue donc un impensé des politiques sociales, et plus généralement des politiques publiques. Le concept n’a d’ailleurs été intégré que récemment dans le droit, avec la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, qui stipule que « la maltraitance […] vise toute personne en situation de vulnérabilité lorsqu’un geste, une parole, une action ou un défaut d’action compromet ou porte atteinte à son développement, à ses droits, à ses besoins fondamentaux ou à sa santé et que cette atteinte intervient dans une relation de confiance, de dépendance, de soin ou d’accompagnement » et précise que l’origine des situations de maltraitance « peut être individuelle, collective ou institutionnelle ».

Ce concept permet de mettre un mot sur toute une série de tracasseries administratives du quotidien dont chacun peut être victime – des délais de traitement trop longs, des contrôles suspicieux, l’absence d’interlocuteur à l’accueil ou au téléphone, une informatisation mal conçue et une numérisation à outrance, des contradictions entre les réglementations ou des bugs dans les traitements informatiques, des procédures trop lourdes, etc. Irritantes pour tout un chacun, elles deviennent maltraitantes quand elles touchent les personnes les plus vulnérables, et en particulier les plus pauvres. Cette maltraitance constitue une des « dimensions cachées de la pauvreté » comme l’a montré l’étude réalisée en 2019 par ATD et l’Université d’Oxford, et participe ainsi de la spirale de la pauvreté.

La campagne d’ATD n’est pas accusatoire, ni vis-à-vis des professionnels, ni même vis-à-vis des responsables des institutions ; elle est d’abord un appel à une prise de conscience de ce phénomène, de sa gravité : découragement, dévalorisation, fragilisation, isolement, épuisement, stress, peur, colère, tout cela contribue aux difficultés d’accès au droit, au renoncement et à la perte de confiance dans les institutions.

Pour autant, elle n’exonère pas les politiques publiques de leur responsabilité : le contrôle tatillon des droits, qui va être renforcé avec la généralisation de l’obligation de 15 heures d’activité pour bénéficier du RSA au 1er janvier 2025, une politique de lutte contre la fraude qui repose sur la suspicion, une dématérialisation et une numérisation conduite au détriment de l’accompagnement humain, lui-même contraint par les réductions d’effectifs dans les services publics, la complexité des démarches et le maquis juridique, la multiplicité des interlocuteurs.

Tout cela conduit à quatre propositions :

• Mettre en place une garantie de ressources inconditionnelle dès l’âge de 18 ans.

• Installer un visage humain dans les services publics, c’est-à-dire compléter la politique de numérisation des services publics par une politique d’inclusion numérique.

• Permettre un accès aux droits effectif, ce qui suppose bien sûr que les responsables des finances publiques cessent de considérer que les sommes non dépensées en raison du non-accès aux droits constituent une source d’économie « indolore ».

• Faciliter les recours administratifs et juridiques. Ce qui est particulièrement important quand la suspension des aides remet en cause l’accès à ce qui n’est même pas un minimum vital.

Cela rend absolument nécessaire la lutte contre les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté, qu’ATD dénonce depuis plus de dix ans. En d’autres termes, pour lutter contre la maltraitance institutionnelle, il faut développer une forme d’« empathie administrative ».

Témoignage Chrétien, 26 septembre 2024

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