La suppression du service militaire, c’est comme le quinquennat : c’est la faute à Chirac et à Jospin. Encore que dans ce cas, l’héritier du Jaurès de « L’armée nouvelle » était plus réticent à la suppression de la conscription que l’héritier du de Gaulle de « Vers l’armée de métier » ; mais il ne s’y est pas vraiment opposé pour autant. Tout a été dit sur les défauts d’un dispositif que les armées elles-mêmes souhaitaient voir disparaître. Mais au moment où la France est confrontée à de réelles menaces, de l’agressivité de la Russie de Poutine aux attaques djihadistes, au moment où l’illusion du parapluie nucléaire américain disparaît, il apparaît clairement que c’était une erreur de diminuer l’implication citoyenne dans la défense.
Osons une uchronie. Au lieu de « suspendre » le service national (puisqu’il n’a jamais été supprimé) pour le remplacer par une journée d’appel dite de « défense et citoyenneté » réduite aujourd’hui à une demi-journée et dont on se demande à quoi elle peut bien servir, nos deux compères, mus par le même souci de défense républicaine de la Nation, ont mis en place, après la dissolution ratée, un service national universel auxquels sont appelé(e)s chaque année pour une période de 6 à 8 mois les quelques 7 à 800 000 jeunes françaises et français -ou qui aspirent à l’être- de chaque génération. Certains, moins nombreux qu’avant, continuent à faire un service militaire, ce qui permet à la fois d’aider, mieux que par des publicités à la télé, au recrutement des armées et d’alimenter également une réserve dont on voit aujourd’hui à quel point elle est nécessaire. Certains le font dans le cadre des forces de sécurité intérieure, dans la gendarmerie, mais aussi dans la police ou encore dans la douane, ce qui permet de développer une lutte citoyenne contre la délinquance, comme le narcotrafic. D’autres encore dans la sécurité civile, chez les pompiers, à Paris ou à Marseille dans un cadre militaire, ou ailleurs dans un cadre civil, alimentant ainsi un flux de pompiers volontaires dont on commencerait sinon à manquer et préparant les populations à d’éventuelles crises. Les geeks et les informaticiens de métiers sont mobilisés pour contribuer à la cybersécurité dans tous les secteurs notamment dans celui de la santé, pour prévenir les attaques cyber mais aussi assurer une surveillance permanente de ce nouvel espace guerrier. Les objecteurs et autres militants non violents ne sont plus punis en faisant un service civil deux fois plus long que les autres, mais sont mobilisés comme tout le monde pour développer les techniques de défense populaires non violente et les diffuser dans la population. Bien sûr le service national adapté aux ressortissants des outremers a été intégré dans ce service universel. Et d’autres le font dans le cadre d’une service civil qui vient renforcer les institutions de solidarité, par exemple en aidant à l’accès aux droits. D’autres encore sont volontaires dans le cadre de la coopération internationale ce qui leur permet de découvrir d’autres cultures et d’autres sociétés.
Ce service est précédé par un mois de « classe », une session de formation à la défense et à la citoyenneté, pluraliste, assurée à la fois par les armées, par l’Education nationale et par des associations et organisations de la société civile. Une occasion de brassage social, d’intégration des jeunes d’origine immigrée, d’échange sur les valeurs de la République, notamment sur la laïcité. Ces sessions sont aussi l’occasion de former toutes les générations au secourisme ainsi qu’aux premiers secours en santé mentale et, plus généralement à l’éducation à la santé. Elles permettent aussi une sorte de bilan de santé et de compétence, de mesurer les handicaps sociaux, comme l’illettrisme, et d’aider les jeunes à faire le point et à mieux s’orienter. Ces sessions ont surtout permis de façon efficace de prévenir la radicalisation, de diminuer la violence et la délinquance dans la jeunesse et de rendre visible pour ceux pour qui elle ne l’était pas la promesse républicaine …
Croulebarbe, le 23 mars 2025
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