Bref !, Sur le fil

De quelques carences de la pensée (néolibérale) sur l’assurance maladie.

Les débats en cours sur le PLFSS sont révélateurs de l’inanité de la pensée de la droite néo-libérale sur les sujets de protection sociale, et notamment sur l’assurance maladie. Ainsi en est-il des positions respectives sur la taxation des boissons sucrées et sur l’augmentation du nombre de jours de carence pour les fonctionnaires.

J’ai déjà eu l’occasion de dire ce que je pensais des franchises. La notion de jour de carence relève de la même logique, celle des techniques mises au point par les assureurs pour lutter contre le risque moral : celui-ci conduirait les assurés à diminuer les comportements de prévention face au risque, ou encore à surestimer le dommage, voire à faire prendre en charge par l’assureur un dommage qui n’est pas la conséquence du risque assuré ; dans ce cas le risque moral s’apparente à la fraude à l’assurance. C’est surtout contre ce dernier phénomène que les  jours de carence cherchent à lutter : les arrêts de travail de complaisance. Il s’agit d’appliquer à l’assurance maladie des dispositifs issus de l’assurance de biens, alors que le raisonnement n’est pas transposable, ne serait-ce que parce que ce n’est pas l’assuré qui déclare le « dommage » (la maladie justifiant l’arrêt de travail), mais le médecin pour qui cette décision s’inscrit, normalement, dans un parcours thérapeutique. Ainsi la franchise appliquée aux premiers jours conduit à « punir » tous ceux qui sont vraiment malades, pour désinciter les « arrêts de travail de complaisance ». D’ailleurs c’est pour éviter cette punition collective de masse que ces dispositions ont été suspendues pendant la crise Covid. Outre qu’elle révèle un préjugé sur l’appétence supposée des agents publics pour le « droit à la paresse », l’application aux fonctionnaires des trois jours de carence applicables aux salariés du privé,  relève d’un faux alignement, car pour deux tiers d’entre eux ceux-ci sont couverts dans le cadre d’accords de prévoyance, ce qui ne sera pas le cas pour les fonctionnaires, qui seront ainsi aussi maltraités que les salariés précaires ou de TPE. C’est d’ailleurs ce qui avait conduit l’actuel directeur général de la Cnam, Thomas Fatome, à proposer que ces jours de carences deviennent des franchises non remboursables pour l’ensemble des salariés.

Loin de moi l’idée qu’il n’y a pas de risque moral en assurance maladie, notamment sur les arrêts de travail. C’est pour lutter contre celui-ci que, dès la création de l’assurance maladie, les arrêts de travail ont été soumis au contrôle médical qui a d’ailleurs été mis en place pour cela. La seule façon intelligente de lutter contre ce risque moral c’est que l’assurance maladie fasse réellement son boulot et cible le mieux possible ces contrôles sur les médecins complaisants ; ce qui, avec l’utilisation des big data serait probablement encore plus efficace qu’en 2003, lorsque j’ai relancé ces contrôles avec une grande efficacité en ciblant les plus gros prescripteurs.

La droite, « républicaine » ou macroniste, n’a pas les mêmes élans punitifs pour taxer les boissons sucrées, alors qu’on connait de mieux en mieux les effets néfastes pour la santé de la consommation excessive de sucre du fait notamment de son incorporation dans les produits alimentaires transformés, les boissons sucrées n’en étant que la forme la plus visible. Pourtant il ne s’agit là, comme pour les accises sur le tabac ou l’alcool, que d’internaliser, au moins en partie, les externalités négatives sur la santé de la surconsommation de sucre qui génèrent un surcoût pour l’assurance maladie ; le produit de ces taxes ayant vocation à alimenter le budget de l’assurance maladie. Elles ne visent pas, au passage, qu’un effet préventif en augmentant le coût des produits pour les consommateurs. Gageons qu’une taxation du sucre incorporé conduirait les industriels à en diminuer la teneur dans les produits transformés, avec un effet important en matière de santé publique. Mais, évidemment cela conduit à une forte opposition du lobby sucrier, qui verrait ses débouchés se réduire.

Retour de Calais, le 4 novembre 2024

 

 

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