Sous le titre « Trou béant, ministres béats », le Canard enchainé du 9 octobre a donné une interprétation singulière de ma nomination à la tête de la Caisse nationale des allocations familiales : « un dégraissage de gauche (comprenez par moi), c’est tout de même plus sympa qu’un dégraissage de droite (comprenez par mon prédécesseur)». Un peu occupé par ma prise de fonction, je n’ai pas trouvé le temps de réagir à ce papier, ni d’ailleurs d’alimenter ce « blog », ce que je m’étais promis de faire hebdomadairement.
Comme souvent, le Canard met bout à bout des informations, souvent vraies, parfois moins, pour en tirer, par la méthode de l’allusion et de l’amalgame, des conclusions pour le moins contestables, même si elles se présentent sous les apparences de l’évidence.
Vraie, sans aucun doute, ma sensibilité « de gauche », qui avait d’ailleurs été soulignée par le Figaro 1 en annonçant prématurément ma nomination. Pour autant ma nomination n’est en rien politique et encore moins partisane : j’ai consacré la plus grande partie de ma vie professionnelle à la protection sociale où j’ai acquis une compétence je crois reconnue de tous les bords ; c’est d’ailleurs un gouvernement de droite qui m’avait nommé, en 2009, DG de l’ARS Nord Pas de Calais (il est vrai que c’était sur la proposition de Roseline Bachelot). Il est d’ailleurs cocasse de donner comme preuve de ma proximité avec le gouvernement actuel ma qualité de gérant de la société des lecteurs d’Alternatives Economiques (un des associés de cette coopérative de presse que je suis fier d’avoir contribué à créer il y a plus de 30 ans) quand on sait que ce mensuel (dont la rédaction est totalement indépendante) est parfois critique sur les modalités de mise en œuvre de sa politique économique.
Il n’est pas vrai en revanche de dire qu’Hervé Drouet, mon prédécesseur, s’était « rebellé » contre les objectifs du gouvernement en matière de gestion, puisqu’il a, avec le président du conseil d’administration de la CNAF, Jean-Louis Deroussen signé le 16 juillet dernier la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la branche « famille », laquelle ne prévoit d’ailleurs pas la suppression de 1500 postes, mais de 1000, et après, dans un premier temps, une augmentation des effectifs de 700 postes. Je l’ai d’ailleurs remercié d’avoir su négocier avec le gouvernement ce renfort, certes temporaire, mais qui doit permettre aux CAF de sortir de la boucle infernale « des retards qui entrainent les retards ».2
De même que cette COG prévoie une augmentation de 7,5 % par an en moyenne du budget du fonds national d’action sociale (FNAS) qui va passer en 5 ans de 4,6 milliards d’€ à 6,65 milliards d’€, soit un peu plus de 2 milliards de plus pour financer, par exemple, l’accompagnement de la réforme3 des rythmes éducatifs, mais surtout le développement des dispositifs d’accueil de la petite enfance et la diminution des importantes inégalités sociales et territoriales qui subsistent dans ce domaine .4
Vrai en revanche le fait que les frais de gestion de la sécu ne sont pas exorbitants (moins de 3% pour la branche « famille ») : j’ai d’ailleurs coutume de dire qu’il n’y a pas de système beaucoup plus efficace pour distribuer des prestations légales que des caisses de sécurité sociale. Vrai aussi : les économies de gestion administrative sont par nature limitées au regard des économies susceptibles d’être faites sur le système de santé lui-même, en améliorant son efficacité (et dans ce domaine les gains potentiels restent considérables, y compris, mais pas seulement, à l’hôpital ).5
Faut-il pour autant ne pas faire ces économies sur la gestion ? Non. J’ai toujours considéré que la meilleure défense du service public de la sécurité sociale était d’en assurer l’efficacité la plus grande, c’est-à-dire rendre le service de la meilleure qualité aux usagers de la sécu, au meilleur coût. C’est d’ailleurs ce que j’ai fait, dans la branche maladie, en participant aux diverses fonctions que j’ai occupées au développement de la carte Vitale, dont plus personne ne pourrait se passer maintenant6, et qui a permis d’améliorer considérablement la productivité (ce n’est pas pour moi un gros mot) de la branche maladie.
Il est faux également de parler de dégraissage. Comme pour la branche maladie avec le système Sésame Vitale, les diminutions d’effectifs se feront dans la branche famille par non remplacement d’une partie des départs à la retraite (un sur cinq, ce qui est très inférieur au « un sur deux » que j’avais prévu pour l’assurance maladie en 2003) et non par des licenciements massifs. En outre certains remplacements, eux, auront été anticipés (ce qui ne s’était jamais fait) par les recrutements en cours de 700 agents, dont 500 en emplois d’avenir, qui ont d’ailleurs été déjà, pour la plupart, recrutés, et qui ont permis à des jeunes exclus de l’emploi de trouver un travail et d’acquérir une qualification. La branche famille manifeste ainsi son engagement pour lutter contre l’exclusion des jeunes des banlieues.
Le non remplacement d’une partie de ces départs sera rendu possible (c’est ce que j’appelle « le pari de la COG »), par l’accroissement de la productivité de la branche famille. Comment ?
1° d’abord en alignant la productivité des caisses les moins productives sur la moyenne des caisses : les écarts dans ce domaine restent considérables , sans explications, puisque les caisses ont toutes les mêmes activités ;
2° ensuite en incitant les caisses à faire des économies d’échelle en mettant en commun des moyens : par exemple des plateformes téléphoniques pour répondre aux allocataires, éditions de documents, saisie automatique des documents, des déclarations, des centres de gestion de la paie, etc.
3° enfin en repensant l’ensemble de nos procédures, pour les rendre moins lourdes tant pour les usagers que pour les gestionnaires, par exemple en évitant de leur demander des pièces justificatives qu’on peut obtenir autrement, ou en développant les télé-déclarations sur internet. Après tout, ce n’est pas autre chose que ce qui a été fait avec la carte Vitale, qui n’oblige plus « Zézette, épouse X » à remplir sa feuille de soins et à la renvoyer à la Sécu. Ca s‘appelle la dématérialisation : c’est bon pour l’économie (cela diminue les couts de gestion), c’est bon aussi pour l’environnement (ça économise du papier et des déplacements inutiles), et c’est bon pour les usagers (cela leur simplifie la vie).7
Ça s’appelle aussi le progrès.
Bonjour,
Si j’ai bien compris, la branche famille recrute 700 postes. Mais doit les rendre avec 1000 postes en plus au terme de la cog soit 1700 postes ? Avec une évaluation de l IGF et de l’IGAS en 2015 sur l.opportunite ou non de rendre 300 postes en plus?
Désolé de n’avoir pas répondu plus tôt.
Les 700 postes recrutés en début de COG sont des anticipations de remplacements futurs : ils se répartissent entre 500 emplois d’avenir qui ont été recrutés au dernier trimestre 2013, et qui sont, après formation, pour la plupart en activité sur des activités mutualisées entre les caisses (par exemple des centres d’appel), et 200 agents sous contrat à durée indéterminée, qui vont être recrutés au début de l’année 2014, principalement pour aider les caisse à développer entre elle des activités mutualisées (par exemple la nouvelle Garantie des impayés de pension alimentaire, qui se substituera à l’allocation de soutien familial, et qui sera expérimentée dans vingt caisses à partir du mois de juillet).
Les jeunes en contrats d’avenir (à 75% issus de zones urbaines sensibles ou de zones de revitalisation rurale, c’est à dire éloignés de l’emploi) seront intégrés dans les effectifs des caisses.
A partir de 2015, c’est à dire quand les effets des mesures indiquées dans mon papier commenceront à se faire sentir, les effectifs de la branche diminueront progressivement sur 3 ans, de 1000 emplois, par non remplacement de départs en retraite. La mission IGAS/IGF doit permettre de vérifier si les mesures de simplification engagées permettent de faire un effort supplémentaire, effectivement estimé à 300 emplois. Elle doit aussi permettre de vérifier si les mesures prises d’ici là permettent de tenir l’engagement actuel de 1000 emplois.
D’ores et déjà, le Comité interministériel de la modernisation administrative (CIMAP) du 18 décembre a, sur ma proposition, engagé une série de mesures importantes de simplification et a mis à l’étude de nouvelles mesures pour sa session de juin. De mon côté, j’ai engagé avec les caisses un certain nombre de travaux pour faire de nouvelles proposition d’ici là, non seulement pour alléger la charge de travail des caisses, mais avant tout, pour simplifier la vie de nos concitoyens, notamment ceux qui sont dans les situations les plus fragiles.