A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes du 8 mars, le jour d’après.
Avec Jean-Louis Deroussen, président du Conseil d’administration de la Cnaf, j’ai signé le lundi 2 mars le protocole national d’expérimentation de la garantie contre les impayés de pensions alimentaires avec Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, Laurence Rossignol, secrétaire d’Etat chargée de la famille, des personnes âgées et de l’autonomie et Pascale Boistard, secrétaire d’Etat chargée des droits des femmes. 1
« Juste avant la journée des droits des femmes, la signature du protocole a bien sûr du sens ». Comme l’a indiqué Pascale Boistard les ministres avaient souhaité inscrire cette réforme dans la perspective de la journée du 8 mars. « C’est une nouvelle prestation familiale qui s’adapte aux réalités de la société » 2, Marisol Touraine a notamment insisté sur l’importance de cette réforme qui manifeste la volonté d’adapter d’avantage les prestations familiales aux besoins des allocataires. « Elle va (aussi) alléger pour les femmes la charge de devoir faire les poursuites judiciaires, de faire venir les huissiers, c’est la Caf qui va s’en occuper » 3 comme l’a indiqué Laurence Rossignol.
Je ne vais pas revenir ici sur l’importance de cette réforme qui, de fait, met en place une nouvelle prestation familiale 4qui garantit au parent qui a la charge de l’enfant (dans 95% des cas une femme) une pension alimentaire minimale, assure le recours contre les débiteurs « défaillants », et apporte un soutien à l’exercice de la parentalité en cas de séparation, mais une prestation qui s’inscrit aussi, de façon plus générale, dans la dynamique d’accès au droit portée par la branche famille 5.
La Gipa : un nouveau droit pour les femmes (et quelques hommes).
La nouvelle prestation de garantie contre les impayés de pensions alimentaires dîte « Gipa » a été mise en place au 1er octobre, à titre expérimental 6, dans 20 départements, par les Caf et les caisses de MSA. Cette Gipa apporte une réponse à un problème finalement mal connu. C’est ce qu’a mis en évidence l’excellent rapport du HCF sur les ruptures familiales que Bertrand Fragonard, son président, a présenté en avril 2014. 7 : qu’en est-il de la réalités des pensions alimentaires versées au parent qui a la charge de l’enfant, et notamment du non paiement. L’expérimentation permettra d’ailleurs de mieux connaître ce problème massif, mais qui fait l’objet d’une sorte de conspiration du silence. « Pour une bonne évaluation du problème du non-paiement, il faudrait disposer de données permettant de le mesurer et de connaître ses suites. Or aucune étude n’a été menée depuis 1985. C’est une situation doublement choquante :
– faute de données sérieuses on ignore si la loi de décembre 1984 et les dispositifs de répression du non-paiement sont efficaces
– en se référant sans précaution à l’étude de 1985, seule étude disponible, on en accrédite les résultats les plus « sensibles (40% de défaillance dont 30% de défaillance totale) alors qu’en trente ans les comportements peuvent avoir substantiellement changés.
Il est impératif d’engager des études conséquentes permettant de disposer de données fines et régulièrement actualisées. » 8
Cette expérimentation permettra aussi de tester de nouvelles méthodes d’accès au droit, en allant au-devant des bénéficiaires potentiels. 9 Des requêtes ont été fournies aux 20 caisses, qui permettent de cibler des contacts, par courrier, vers des bénéficiaires du RSA, les familles monoparentales allocataires déclarant une pension alimentaire inférieure au minimum, et les séparations de moins de deux ans. Ainsi, dans un département comme l’Indre et Loire, sur 500 bénéficiaires potentiels identifiés dans une requête, 76 demandes ont été retournées sur lesquelles 60 avaient droit à la prestation différentielle.
L’expérimentation va également permettre d’améliorer les méthodes de recouvrement auprès des débiteurs défaillants. A juste titre, les Caf ont fait l’objet de critiques sur leur gestion de l’allocation de soutien familial recouvrable, notamment sur leur capacité à assurer le recouvrement des créances auprès des débiteurs. Un énorme travail a été fait pour mieux réaliser cette activité : dans chaque région, une Caf pivot 10 a été désignée par les autres Caf pour mettre en place une sorte de « service commun de recouvrement » et l’expertise a été renforcée, puisque plus de 100 personnes ont été embauchées dans ces services. 11 Pour les caisses qui expérimentaient la Gipa (et qui sont le plus souvent caisse pivot), cela permet d’avoir un point d’appui pour mettre en œuvre les nouveaux moyens que leur donne la loi pour assurer le recouvrement.
Les Caf disposent en effet de moyens renforcés pour assurer le recouvrement des pensions alimentaires qui ne sont pas versées. Ainsi, la possibilité de recouvrir par paiement direct a été étendu à 24 mois d’arrièré au lieu de 6 actuellement. Les Caf bénéficient aussi d’un droit de communication leur permettant de prendre l’attache des autres administrations 12 afin de contrôler régulièrement la situation des débiteurs de pensions alimentaires.
Le dispositif ne conduira pas pour autant à éxonérer les débiteurs de leur responsabilité, comme cela a été écrit ici ou là. Au contraire, il est plus facile à la Caf d’intervenir auprès du débiteur défaillant, qu’au parent qui a la charge de l’enfant (dans 95% des cas la mère) d’agir directement auprès de son ex-conjoint. A cet égard la pénalisation au motif de l’abandon d’enfant proposée par certains me semble une réponse le plus souvent disproportionnée, et qui conduirait à éloigner encore plus le débiteur défaillant de ses responsabilités parentales.
En revanche, les Caf sont en mesure de transmettre les informations utiles à la fixation ou à la révision de l’obligation alimentaire au créancier, ce qui lui permet de saisir le juge aux affaires familiales pour une action en fixation ou en révision de pension. Sur ce sujet l’expérimentation a permis d’ores et déjà de mettre en place des partenariats avec les tribunaux de grande instance.
Parallèlement, des actions sont mises en place par les Caf expérimentatrices pour aider les parents qui se séparent à exercer dans de meilleures conditions leur « coparentalité ». 13 Des séances d’information associant des médiateurs familiaux, des travailleurs sociaux et des juristes vont être testées dans vingt départements de façon à définir avec les fédérations de la médiation, 14 des modules qui pourraient être déployés par les Caf dans tous les départements (et pas seulement les départements expérimentateurs).
Ce dispositif légal expérimental fera l’objet d’une évaluation au cours du premier trimestre 2016, avant sa généralisation, prévue après 18 mois, à l’ensemble des départements, ce qui permettra de l’ajuster et de proposer le cas échéant des pistes de simplification.
Mais d’ores et déjà, c’est une véritable politique publique d’accès au droit et de lutte contre les impayés de pensions alimentaires qui a été mise en place dans les départements en expérimentation, notamment au travers des comités de pilotage départementaux qui ont permis aux acteurs de se rencontrer et de se coordonner.
Et d’ores et déjà les effets se font sentir, car, malgré des résultats très inégaux d’un département à l’autre, après seulement quatre mois de mise en place, ce sont plus de 1000 droits à l’ASF différentielle 15 qui sont aujourd’hui payés par les Caf et les caisses de MSA. 16 On voit par-là que cette expérimentation répond à un besoin, à un fait social majeur que sont les conséquences des séparations et que les Caf sont tout à fait à même de porter la réponse que les pouvoirs publics ont voulu y apporter.
Paris, le 9 mars 2015
Cette Gipa pourrait-elle s’attacher à faire respecter l’autorité parentale, tant pour le paiement de la pension alimentaire que pour le droit de visite et d’hébergement ?
L’intérêt supérieur de l’enfant commande d’avoir accès à ses 2 parents, tel que reconnu dans la déclaration universelle des droits de l’enfant. Un principe d’égalité femme/homme trop souvent oublié…
Bravo aux Caf !
Je ne suis pas d’accord avec vous. Avez-vous mené une réelle étude pour dire que la GIPA avait porté ses fruits ? Il y a tant de témoignages qui disent que cela ne fonctionne pas ! Comme à chaque fois, le gouvernement refuse de porter à la connaissance de tous la réalité de la situation sur le sujet des non paiements de pensions alimentaires. Aucune étude faite depuis au moins 1985 sur le sujet pour voir si le chiffre de 40% de PA impayées toujours d’actualité, rien, nada !
D’autre part, « A cet égard la pénalisation au motif de l’abandon d’enfant proposée par certains me semble une réponse le plus souvent disproportionnée, et qui conduirait à éloigner encore plus le débiteur défaillant de ses responsabilités parentales » -> pas du tout d’accord ! ce serait enfin les responsabiliser un peu. Votre système : continuez Messieurs à ne pas payer la pension alimentaire due à votre enfant, de toute façon, la CAF palliera vos carences ! C’est la porte ouverte à n’importe quoi et à un laxisme démesuré. Avez-vous lu tous les rapports des associations de lutte contre la pauvreté qui mettent en lumière l’augmentation de la paupérisation des femmes dans notre société ? Le non paiement des pensions alimentaires est un facteur important de violence économique.
Il n’y a qu’un seul article de presse valable sur le sujet, écrit par une journaliste de Causette : https://www.causette.fr/le-mag/lire-article/article-1289/de-vraies-fausses-avancei-es.html
La vérité, il serait temps de dire la vérité…
C’est suite à l’expérimentation dans 20 départements et à son évaluation que le gouvernement a repris, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, notre proposition de généraliser la Gipa en avril 2016.
Il est tout à fait exact que le non paiement des pensions alimentaires, phénomène beaucoup trop important, mais que nous ne savons pas mesurer précisément aujourd’hui, est une des sources importantes de précarité des familles monoparentales, c’est à dire, très souvent, des femmes élevant seules leurs enfants. La généralisation de la Gipa permettra d’avoir une connaissance beaucoup plus précise du phénomène, mais surtout permettra aux Caf de recourir de façon efficace contre les débiteurs défaillants, tout en garantissant le paiement d’une pension alimentaire minimale. Les Caf ont considérablement renforcé leurs moyens dans ce domaine, et amélioré leur efficacité, ce que montre les résultats de l’expérimentation. Un recours systématique à des procédures pénales, qu’il faut engager bien sûr quand elles sont nécessaires, n’améliorerait en rien la situation des débitrices, au contraire, car il serait plus long et plus aléatoire. Reste en revanche, a améliorer les procédures de recouvrement a l’étranger. Nous y travaillons, et il faudrait que Ca aille plus vite. Mais la non plus un recours systématique à des procédures pénales n’améliorerait en rien la situation.
C’est tout cela que j’avais expliqué à Causette dans une interview qui n’est pas parue et dont il ne reste qu’une citation dans l’article visé, qui, retirée de son contexte, vient à l’appui de la thèse défendue par l’auteure de l’article.