S’inspirant, sans le dire, des propositions de Terra Nova, le gouvernement a annoncé jeudi 19 septembre la mise en place d’un nouveau « service public de versement des pensions alimentaires » destiné à mettre fin à ce scandale silencieux du non paiement d’environ un tiers de ces « contributions à l’entretien et l’éducation des enfants » par celui des deux parents qui n’en a pas la garde ; un sujet qui était remonté massivement sur les ronds-points et lors du grand débat comme un des problèmes majeurs auxquelles sont confrontées les familles monoparentales (en général des femmes seules avec un ou plusieurs enfants à charge) et l’on sait que la monoparentalité est une des principaux facteurs de pauvreté aujourd’hui. Cette réforme avait fait l’objet d’un engagement d’Emmanuel Macron dans son discours du 25 avril où il avait annoncé que les Caf auraient des « prérogatives pour prélever les pensions alimentaires impayées » : « On ne peut pas faire reposer sur des mères seules qui élèvent leurs enfants (…) l’incivisme de leurs anciens conjoints. Or aujourd’hui, c’est ce qui se passe ».
Ce nouveau service public s’appuiera sur l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (l’Aripa), mise en place en 2017, sous le quinquennat de François Hollande, dans le cadre d’une réforme des pensions alimentaires engagées dès 2014, et qui visaient, non seulement à améliorer le recouvrement des pensions alimentaires non payées, mais aussi à mettre en place une pension minimale (à l’époque à 100 €), les Caf complétant la pension versée par le débiteur quand elle est inférieure à ce montant.
Une belle réforme qui visait aussi à rappeler au parent débiteur, en général le père, ses responsabilités vis à vis de son enfant -c’est pour lui qu’est versée la pension, et non pour la mère – la solidarité nationale n’intervenant qu’en complément, ou en cas de défaillance. Une belle réforme, mais peu connue parce que peu popularisée par le gouvernement de l’époque, probablement par crainte qu’un trop grand succès ne pèse sur les finances publiques, mais avec, comme conséquence, un recours très faible à ces deux nouveaux droits -droit à une pension minimale, et droit à bénéficier du service de recouvrement en cas de non paiement- qui avait été mis en évidence dans le rapport de Terra Nova.
Avec la réforme annoncée, les fonctions de l’Aripa ne se limiteront plus au seul recouvrement des pensions alimentaires non payées ; elle sera également compétente pour assurer l’intermédiation financière entre les deux parents, en prélevant directement la pension alimentaire sur le compte du débiteur (le plus souvent le père), et en la reversant sur le compte du créancier (en général la mère). Cela permettra de compléter en même temps la pension à hauteur du minimum de 115€, si le montant en est inférieur, ou de verser au moins cette somme en cas de défaut de paiement du débiteur et en attendant que les procédures de recouvrement permette de récupérer les sommes non versées.
Le gouvernement a donc repris la proposition de Terra Nova ; avec cette seule différence, mais elle n’est pas mince, c’est qu’il faudra faire la démarche pour pouvoir bénéficier de ce service, soit en le demandant au juge, soit en le stipulant dans l’accord entre les deux parents homologué par la Caf. A l’inverse, s’inspirant du système mis au point au Québec, le think tank avait proposé que, sauf demande conjointe des parents, cette intermédiation soit systématiquement mise en place dès la fixation de la pension, de façon à garantir l’accès à ce nouveau droit, et à éviter toute interférence avec les difficultés relationnelles entre les parents : en effet, il faudra que celle, ou plus rarement celui, qui bénéficie de ce service le demande ; une démarche qui peut se révéler difficile dans des situations de tensions entre les parents, car cela apparaitra comme une marque de défiance vis à vis du débiteur, ce qui peut évidemment les alimenter.
Y a-t-il la crainte, étonnante au regard des déclarations du Président de la République, que l’État s’immisce trop dans la relation « privée » entre les deux anciens conjoints après la rupture, ou, plus prosaïquement, comme pour les prédécesseurs, celle du coût pour les finances publiques si le recours augmente trop. En tous cas, à ce stade, « c’est pas automatique ». Au demeurant, comme l’avait été en son temps la création de l’Aripa, c’est une nouvelle étape, positive, qui vient d’être franchie. On ne peut que s’en réjouir, même s’il faudra encore une autre étape pour mettre fin, comme l’ont fait les québécois, au scandale des pensions alimentaires non payées.
Paris, le 21 septembre 2019.
Ensuite on pourra s’attaquer au scandale des non présentations d’enfant, déménagements abusifs et autres manipulations qui nuisent à la coparentalité ; mais le sujet est actuellement bien moins porteur politiquement.
Le droit de l’enfant à voir ses deux parents étant internationalement reconnu, nous attendons impatiemment les propositions de Terra Nova en ce sens (peut-être même sur l’exemple québécois !).
Bien à vous