Pour le Secours Catholique, la dématérialisation n’est pas mauvaise en soi et pourrait simplifier les démarches pour certains. Mais l’absence actuelle d’alternative et l’incurie de l’administration à mettre en place un accès effectif au service public
font de la dématérialisation une barrière à des droits essentiels plutôt qu’un outil au service des usagers.
Avec l’automne reviennent les rapports sur la pauvreté. Cette année les approches se sont multipliées et permettent de diversifier les regards sur la question. Après celui d’ATD Quart monde sur la maltraitance institutionnelle, le collectif Alerte, qui regroupe 34 associations nationales de solidarité, s’est livré en octobre à une analyse de la lutte contre la pauvreté en termes d’investissement social ; et la conclusion est claire, c’est un investissement rentable : non seulement il serait économiquement contreproductif de réduire les dépenses sociales concernées car cela générerait des coûts supérieurs pour la collectivité, surtout si l’on intègre les conséquences indirectes notamment en termes de santé, d’éducation ou encore de délinquance, mais de nouvelles dépenses pour lutter contre la pauvreté génèreraient à moyen terme des recettes publiques plus importantes que la mise de départ. On peut rappeler que c’est ce type de raisonnement qui avait motivé le lancement d’une stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté en octobre 2018 ….quelque peu délaissée depuis.
En attendant la sortie le 3 décembre de celui de l’observatoire des inégalités qui sera consacré aux conditions de vie des personnes pauvres, le rapport du Secours catholique sorti le 14 novembre aborde, lui, la question de l’accès au droit aux prestations sociales. Comme chaque année depuis 2011, il s’appuie sur des statistiques élaborées à partir des personnes accueillies par l’association. Si un tel travail n’a pas prétention à la représentativité, il permet de saisir rapidement les mouvements qui affectent la pauvreté vécue, d’autant plus que les témoignages alternent avec les données.
Le rapport de cette année montre l’importance pour la population concernée de la solidarité nationale : 94 % des ménages rencontrés en 2023 perçoivent des prestations sociales, et celles-ci représentent en moyenne 82 % des ressources perçues. La part de celles liées à l’âge (comme les pensions), à la santé (comme les indemnités journalière) et au handicap (AAH) est en hausse, une augmentation qui tient au vieillissement de la population accueillie et à la part croissante des ménages en âge de travailler dont l’état de santé ne le permet pas ; en revanche diminue la part des allocations familiales, du fait de la forte hausse de l’accueil de ménages sans enfants, mais aussi celle du RSA, des allocations logement, ou des indemnités chômage, conséquences des choix politiques effectués sur ces prestations.
« Plus facile de se faire enlever ses droits que de les obtenir »
Or pour reprendre le titre du rapport, cette solidarité, centrale dans la vie des personnes, « s’éloigne ». En plus de l’évolution défavorable des prestations, le non recours au droit, cette sorte de cancer de l’Etat-providence, s’est accru au cours du temps : il touche même aujourd’hui les allocations familiales jusqu’à présent quasi épargnées et, pour le RSA, il est passé en 10 ans de moins d’un quart à plus d’un tiers des personnes accueillies. Comme on pouvait s’y attendre l’obligation d’activité qui a été expérimentée dans 47 départements avant d’être généralisée en janvier prochain, a encore accru le non recours à ce filet de sécurité.
Et le rapport de décliner les raisons des difficultés d’accès au droit. Un non recours qui touche plus encore les étrangers, y compris en situation régulière et les détenus. Sur ce sujet, la description du « parcours du combattant » pour bénéficier des prestations rejoint les constats faits dans de nombreux rapports. Au premier rang de ces difficultés, la déshumanisation consécutive à une dématérialisation motivée principalement par des préoccupations d’économie de gestion, qui conduit aussi à des dérives de la lutte contre la fraude. Un exemple parmi d’autres, l’augmentation importante des personnes sans aucune ressources en 2023 s’explique notamment par la récupération des trop perçus.
Croulebarbe, le 25 novembre 2024
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