Je n’ai pas de raison de le cacher, j’ai apprécié la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée le 13 septembre par Emmanuel Macron. Et pourtant, je l’avoue, les travaux préparatoires m’avaient laissé un peu d’inquiétude. Mais j’y ai retrouvé trois principes auxquels je suis attaché : l’investissement social, la simplification, et la justice sociale.
J’ai voulu, avec le titre de ce billet, évoquer le livre, un peu oublié, de Lionel Stoléru, en 1974, »Vaincre la pauvreté dans les pays riches », car sur de nombreux sujets, ce plan reprend certaines de ces idées ou intuitions. L’occasion de lui rendre hommage près de deux ans après sa disparition.
Vaincre la pauvreté ….. enfin ?
Même si le terme n’est guère utilisé (sauf dans le hashtag #InvestirDansLesSolidarités), la notion d’investissement social traverse l’ensemble de la stratégie. Investissement social bien sûr le développement des apprentissages précoces pour la petite enfance, comme je l’avais montré à la Cnaf avec l’Institut Montaigne et Terra Nova. Mais investissement social aussi, les petits déjeuners dans les écoles, ou encore le programme « Manger Malin » pour l’accès au lait maternisé, tant il est vrai que le développement des capacités des enfants repose d’abord sur leur santé. Investir pour sortir dés le début dans la sortie de cette spirale de la reproduction de la pauvreté, ce syndrome de « Mozart qu’on assassine ». Mais investissement social aussi l’engagement de formation des « neets », les jeunes ni-ni-ni, ni étudiants, ni en emploi, ni en formation. avec une incitation à la formation associée à la garantie jeunes. Investissement social encore la mise en place d’un service public de l’insertion, qui rejoint une idée que j’avais développée sur ce blogue de renouveler les méthodes d’accompagnement des exclus, notamment de rénover le travail social.
Investissement social aussi, cette idée que j’avais lancée avec Patrick Kanner : la création de centres sociaux dans les quelques trois cent (ou peut-être plus) où il n’y en a pas : l’empowerment, le développement du pouvoir d’agir si cher aux centres sociaux n’est pas seulement une capacité individuelle, c’est aussi une capacité collective. et retisser du lien social dans ces quartiers est une des conditions de leur reconquête républicaine. Et, investissement social toujours, pour expérimenter, mesurer et évaluer les méthodes d’intervention, la création d’un fonds d’investissement social doté de 100 millions €.
Simplification et justice également. Bien sûr simplification avec le revenu universel d’activité, qui ressemble à cette allocation sociale unique que j’appelle de mes vœux, mais avec une appellation dont le caractère paradoxal -revenu universel mais aussi d’activité- illustre la volonté de tenir les deux bouts du projet, filet de sécurité et tremplin. Mais justice aussi si cette simplification permet de supprimer les effets de seuil et les phénomènes de non recours. Simplification et justice aussi avec la fusion de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) et de l’aide à la complémentaire santé (ACS) pour régler à la fois l’effet de seuil qu’a créé l’institution de la CMUC, et le problème du non recours à l’ACS.
Au delà des mesures annoncées, il s’agit d’une stratégie, une stratégie ambitieuse qui vise « à hauteur d’une génération, à éradiquer la grande pauvreté », non d’un plan, ni même d’une feuille de route, mais « un élément central de cet Etat-providence du XXIème siècle que nous devons refonder ». Je formule deux vœux. Le premier c’est que cette stratégie, si elle devra surement être ajustée, complétée, ne soit pas remise en cause au gré des remaniements et des alternances : de ce point de vue, au delà des critiques ponctuelles, l’accord global formulé par la plupart des représentants des associations de solidarité est une bonne chose. Le second, c’est que comme toute stratégie c’est dans l’exécution que résidera sa réussite : souhaitons que l’engagement soit tenu dans la durée par ceux qui seront chargé de sa mise en œuvre.
Paris, le 15 septembre 2018
vous dites fort à propos que c’est dans l’exécution que résidera sa réussite
pour toutes les mesures qui ont été annoncées, nous acteurs et militants de la justice sociale nous disons « pourquoi pas ? », il faut essayer et s’en donner les moyens
Maintenant en tant que membre du CNLE j’ai comme beaucoup d’autres membres de ce conseil émis plusieurs réserves, qui sont en lien direct avec les témoignages et expériences des premiers concernés : ceux qui vivent et subissent la pauvreté, pour qui le temps peut sembler long, très long.
Autre chose : je trouve que sur ces questions la CNAF et le réseau sont étrangement silencieux, d’ailleurs ils ne sont que très peu cités et je ne les ai quasiment jamais vus dans le processus de concertation, j’en avais discuté avec monsieur pinte et je l’ai dit en plénière. Pourquoi cet effacement ?
Voilà c’est un peu en vrac, toujours est il que je vous lis toujours avec grand intérêt