Adieu veaux, vaches, cochons, couvées … cette année en tout cas pas de salon de l’agriculture : le covid a eu raison des bovidés et autres animaux d’élevages exposés dans cette « plus grande ferme de France », image des contradictions d’une agriculture qui derrière les apparences de la valorisation des savoir-faire paysans est d’abord la glorification de son industrialisation productiviste. Résultat, le débat sur le modèle agro-alimentaire s’est déplacé de la porte de Versailles aux assiettes des cantines de Lyon, après l’annonce de l’édile écolo de la capitale des Gaules de mettre en place des menus sans viande. Outre les soupçons d’islamo-gauchisme, accrédités par la déclaration provocante de Julien Bayou (« Le repas végétarien c’est le repas laïc par excellence »), il s’est attiré la colère de la FNSEA et les foudres du ministre de l’agriculture appelant à ne pas « mettre d’idéologie dans l’assiette des enfants », lui-même renvoyé à ses études d’agronome par une ministre de l’environnement plus prompte à défendre les menus végétariens que les conclusions de la convention citoyenne pour le climat.
C’est vrai que ne pas manger de protéines animales du tout expose, notamment les enfants, à des risques de carences alimentaires (acides aminés essentiels, fer, calcium, zinc et vitamines D et B12) et qu’équilibrer un régime végétalien nécessite des connaissances nutritionnelles et des compléments alimentaires qui ne sont pas à la portée de tout le monde. Mais en l’espèce, motivée par les règles sanitaires et donc, normalement, temporaire, la décision du maire de Lyon ne supprime pas les autres protéines animales, comme le poisson ou les œufs. Et il n’est pas nécessaire de manger de la viande tous les jours pour équilibrer notre régime, alors que notre consommation trop importante favorise nombre d’affections comme le diabète, les maladies cardiovasculaires ou certains cancers.
Surtout, l’industrialisation de la production de viande conduit à diminuer considérablement le rendement énergétique de la production agricole, tout en augmentant son coût environnemental. Il faut en moyenne 7 calories végétales (9 pour les ruminants), pour produire une calorie animale : c’est avantageux tant que ces calories proviennent de l’herbe, que nous ne pouvons pas digérer, ou du recyclage de produits impropres à la consommation, comme c’était le cas pour l’élevage porcin. Mais depuis les années soixante-dix plus du tiers des prairies ont disparu et dans les élevages industriels l’alimentation animale est constituée pour l’essentiel de productions cultivées couteuses en énergie et en eau, comme le maïs, et même parfois importées, comme le soja. Ceci sans parler des problèmes de pollution générés par la concentration des élevages, ou la production de gaz à effet de serre. Et encore moins des conditions de vie et d’abattage de tous ces animaux domestiques transformés en matériaux de production industrielle.
Foin donc de ce nouveau débat hystérisé entre l’agribashing vert de bobos islamo-gauchistes et antispécistes et les instincts cannibales de viandards repeints en bleu et en rouge. Et revenons à la question essentielle d’un modèle agroalimentaire soutenable par la planète.
Paris, Croulebarbe, le 1er mars 2021
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