Non au RSA pour les jeunes. Oui au revenu d’engagement. L’exécutif a adressé une fin de non recevoir à la demande conjointe des associations de solidarité et de la gauche, non pas de créer un RSA jeunes qui existe déjà (mais ne concerne qu’un très petit nombre d’entre eux), mais, comme cela avait été fait pour le RSA activité avec la prime d’activité, d’élargir le RSA au moins de 25 ans ; mais il a voulu, en même temps, montrer qu’il avait entendu le message qui lui était adressé. Pour ce qu’on peut en savoir, car on ne connait que les principes de ce revenu d’engagement, il s’agit non de créer un nouveau dispositif, mais d’élargir celui, déjà existant, de la garantie jeune, créée sous le précédent quinquennat (et financé au passage par l’Union européenne), pour atteindre une cible plus large.
Plus large, même si ceux qui sont visés sont ceux qu’on appelle dans la terminologie européenne inspirée d’outre Manche les neet’s (Not in Education, Employment or Training), autrement dit, « ni étudiants, ni employés, ni en stage », c’est à dire ceux qui sont déjà, normalement éligibles à la garantie jeune et auxquels s’ajouteraient certains « travailleurs pauvres », comme certains « autoentrepreneurs » des plate-formes, dont les revenus sont trop faibles pour bénéficier de la prime d’activité.
Pourquoi ce changement de terminologie puisque les cibles sont proches, et surtout pourquoi maintenir un dispositif spécifique au lieu de simplifier et d’élargir le RSA aux jeunes concernés, puisque les montants en seraient proches. La raison est principalement d’affichage politique et de terminologie.
Affichage, l’exécutif dont les projets en matière de lutte contre la pauvreté, comme la création d’un revenu universel d’activité (RUA), sont restés lettre morte, veut afficher avant la campagne électorale une ultime mesure à destination des jeunes, pour qui les ambitions fixées dans le programme présidentiel sont loin d’avoir été atteintes.
Terminologie aussi. En substituant la notion « d’engagement » à celle de « garantie », on cherche à revenir aux fondamentaux de la pensée macronienne en matière de protection sociale : « pas de prestation sans contrepartie » ; en d’autres termes « aide-toi -ou plutôt bouge-toi- l’État providence t’aidera ». Sauf que là aussi ce n’est pas nouveau : dès la création du RMI, et cela a été repris dans le RSA, le versement de la prestation était normalement conditionné par la signature d’un contrat d’insertion par le bénéficiaire (c’était le « i » de RMI puis le « a », comme activité, du RSA), et un mécanisme analogue existe déjà pour la garantie jeune. Mais cet engagement est trop souvent formel, non parce qu’on l’a oublié, mais en raison, à la fois, de l’insuffisance des capacités accompagnement, qu’illustrent les difficultés auxquelles se heurte la mise en place du Service public de l’insertion et de l’emploi prévu pourtant par le Plan pauvreté engagé en 2018, et aussi de l’insuffisance des offres proposées aux jeunes, qui ont fortement diminué avec la suppression du contrat emploi jeune au début du quinquennat.
La seule question essentielle est celle de savoir si le revenu d’engagement restera attribué pour une durée limitée, ce qui est le cas pour la garantie jeunes qui ne l’est que pour un an, et qui est cohérent avec la volonté que les jeunes ne s’installent pas dans ce que les libéraux considèrent comme une « trappe à pauvreté », ou si ce sera réellement un droit, attribué jusqu’à ce que le jeune soit sorti de la précarité, comme c’est le cas pour le RSA (ou jusqu’à ce qu’il puisse y accéder sinon).
Cela dit, les modifications terminologiques peuvent être l’occasion d’une ré-ingénierie du dispositif, et donc d’en augmenter considérablement l’impact, comme cela a été le cas avec la prime d’activité quand elle s’est substituée en 2017 à un RSA activité qui n’avait pas rencontré son public. Mais cela suppose que l’on concentre l’effort sur les conditions de mise en œuvre et pas uniquement sur l’affichage politique et pour cela d’augmenter le taux de recours et donc de mettre les moyens sur la promotion et la gestion de la prestation pour qu’elle constitue un vrai droit auquel on a accès facilement, et d’investir dans l’accompagnement des jeunes concernés, dans une logique de développement de leurs capacités, autrement dit de considérer qu’il s’agit d’un investissement social.
C’est en tous cas ce qu’on peut souhaiter de mieux à ce « nouveau » revenu d’engagement pour les jeunes ; même si on est évidemment loin d’une allocation de solidarité universelle, dont pourrait bénéficier, dès leur majorité, toutes les personnes majeures (en tenant compte bien-sûr des autres revenus, y compris des soutiens des parents), que j’ai pu proposer ici, et dont un RUA accessible dès l’âge de 18 ans aurait pu être une première étape.
Parie, Croulebarbe, 3 et 4 août 2021
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