Un renoncement de plus : à l’occasion du bilan de son mandat, mardi soir, Emmanuel Macron a annoncé l’abandon du projet de régime universel des retraites, au profit de trois régimes : pour les salariés, pour les indépendants et pour les fonctionnaires. Je ne peux, pour ma part, que regretter, comme je l’ai déjà exprimé ici, l’abandon de ce qui était la principale ambition sociale du quinquennat, inspirée par les principes d’universalité, de justice et d’équité. Mais je voudrais analyser ce que je crois être la principale motivation de cette partition en trois régimes (à la place des quelques quarante-deux existants actuellement).
Bien sûr, tous les commentateurs l’ont dit, il s’agit, avec un régime unique pour les salariés, de venir définitivement à bout des régimes spéciaux, obsession de la droite de gouvernement depuis le plan Juppé de 1995. Mais il y a probablement une raison plus importante, ou plus exactement deux, qui motivent l’abandon d’un régime unique au profit de trois, et qui tiennent aux conséquences positives qu’auraient eues la mise en place d’un régime universel pour les fonctionnaires et les indépendants.
Pour les fonctionnaires, le projet de réforme a fait apparaître que, pour nombre d’entre eux, par exemple les instituteurs -pardon les professeurs des écoles- ou les infirmières, ce n’était pas leur retraite qui était trop avantageuse, mais leur traitement qui était trop faible. La mise en œuvre du régime universel était donc assorti d’une promesse de revalorisation dont il faut comprendre qu’elle est abandonnée, alors qu’elle est aussi une condition de l’attractivité de ces métiers absolument nécessaires à notre vie commune.
Pour les indépendants, c’est l’inverse : aligner leur régime de retraite obligatoire sur celui des salariés (ce qui était la promesse, implicite tout autant que fausse, de la suppression du RSI), nécessitait aussi d’ajuster à la hausse les cotisations. Ce qui, pour les plus riches d’entre eux aurait conduit à faire progressivement disparaître les systèmes de « solidarité limitée », souvent gérés en capitalisation ; d’où leur opposition. Mais qui aurait aussi permis de créer des droits à retraite équivalents à ceux des salariés pour ces métiers d’indépendants dont les conditions de travail sont proches (par exemple une grande partie des agriculteurs) et qui se développent, notamment sous le statut d’auto-entrepreneur. Bien sûr, cela nécessite d’intégrer dans le prix des biens et des services le coût de la protection sociale (comme cela se fait avec le Cesu pour les salariés à domicile). A défaut, on prépare, comme cela a déjà été le cas en agriculture, une vraie « bombe sociale à retardement ».
Paris, Croulebarbe, 16-18 décembre 2021.
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