L’apocalypse n’annonce pas la fin du monde ; elle fonde une espérance. Qui voit tout à coup la réalité n’est pas dans le désespoir absolu de l’impensé moderne, mais retrouve un monde où les choses ont un sens. L’espérance n’est possible que si nous osons penser les périls de l’heure.
René Girard
« Nous vivons un temps d’Apocalypse » : c’est le titre du premier chapitre du rapport moral (« Déchiffrer les signes des temps ») présenté à l’AG de Démocratie & Spiritualité du 2 avril, date qui sera passée quand vous recevrez, en retard, la lettre de février-mars. Trop pris par la préparation de cette AG et par le lancement, difficile compte tenu du contexte, de notre appel à un sursaut spirituel et démocratique, nous n’avons pu boucler plus tôt ce numéro.
Les difficultés à rédiger ce deuxième appel, destiné à ceux qui briguent nos suffrages, dans un contexte marqué par la guerre en Ukraine, nous invitent aussi à une réflexion sur « les mots pour le dire », les mots pour dire D&S et son esperluette pour les femmes et les hommes de ce temps, pour expliciter cette esperluette qui associe deux termes « démocratie » et « spiritualité » dont le rapprochement est tout, sauf évident.
Pourtant ce double regard, cette intuition fondatrice de D&S, est plus que jamais nécessaire , comme vient nous le rappeler cette guerre -il faut bien appeler les choses par leur nom- qui touche aujourd’hui nos sœurs et nos frères en humanité, ukrainiens, mais aussi russes. Car ce retour de la violence ne peut s’expliquer par les seuls enjeux économiques, impérialistes ou même géopolitiques. On voit bien que l’attitude de Poutine est déterminée par une certaine idée de la Russie, une idée visiblement partagée par l’église orthodoxe de Moscou et probablement par une partie du peuple russe ; mais une idée dans laquelle la « sainte Russie » chère à Pouchkine et à tant d’autres, risque, pour plagier les fondateurs de Témoignage chrétien à propos de la France de 1941, de « perdre son âme ». On voit bien que l’absence d’une force rappel, qui soit à la fois démocratique et spirituelle, conduit le nouveau « tsar de toutes les Russie » à une montée aux extrêmes mortifère, et, pour lâcher le mot, à faire « le mal ».
Pas plus que d’autres, nous n’avions prévu, au moins en Europe, ce risque de retour de la guerre, la vraie (pas la soit-disant guerre contre le virus), avec son déluge de feu assassin sur les humains et sur leurs villes et territoires, avec tout ce qu’elle nous dit de la violence des hommes et du tragique de la condition humaine ; la guerre à nos portes. Car des guerres il y en a eu de nombreuses, mais plus loin, avec des peuples auxquelles nous nous identifions moins que ces ukrainiens, caucasiens comme nous, et qui nous sont donc davantage indifférents, même s’ils sont tout autant qu’eux nos sœurs et nos frères en humanité.
Cela doit nous interroger : sommes nous assez attentifs aux signes des temps ; et surtout à ce qu’ils révèlent, car c’est l’étymologie même du mot « apocalypse » que par un détournement de sens millénaire et millénariste on a assimilé dans le langage courant à « la fin du monde » ; ce qu’ils révèlent de notre nature humaine, de la violence qui en est consubstantielle, de cette violence mimétique qui peut conduire l’humanité à s’autodétruire ; et surtout, si nous voulons être fidèles à notre vocation à montrer comment plus de spiritualité & plus de démocratie peut nous permettre de conjurer cette violence apocalyptique.
Paris, Croulebarbe, le 3 avril 2022
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