La session parlementaire est à peine commencée, et le gouvernement a d’ores et déjà fait usage du 49.3. Et ce pour le projet de loi de programmation des finances publiques. Un 49.3 à usage unique par session parlementaire, car la dérogation applicable aux PLF et PLFSS (pour pouvoir disposer d’un budget pour l’Etat et pour la Sécurité sociale au 1er janvier de l’année suivante) ne s’applique pas aux lois de programmation dont la non adoption n’est pas bloquante. D’ailleurs l’année dernière le gouvernement s’était résigné au refus d’adoption du PLPFP, préférant garder le fusil à un coup du 49.3 pour d’autres priorités.
Déni de démocratie clament plus ou moins fort les oppositions. En fait le déni de démocratie est moins dans l’engagement par le gouvernement de sa responsabilité devant le parlement que dans le fait que l’engagement qui est inscrit dans ce projet de loi sur la trajectoire des finances publiques a déjà été pris il y a six mois vis à vis des autorités européennes et ce sans débat parlementaire, et sans débat démocratique en général, du tout.
C’était en tous cas le cas l’année dernière, ce qui explique que le gouvernement n’avait pas eu besoin du vote du parlement ; mais la situation est un peu différente cette année, car si les perspectives financières ont été transmises à la Commission dans les quinze jours qui ont suivi son adoption en conseil des ministres le 26 avril dernier, celle-ci n’a pas encore procédé à son examen, car les ministres des Finances ne se sont toujours pas mis d’accord sur les nouvelles règles du Pacte de stabilité qui devait faire suite à leur suspension du fait de la crise Covid. D’où la décision du gouvernement de faire adopter sans débat ces perspectives budgétaires à moyen terme de façon à renforcer, on le suppose, sa position de négociation.
Il y a là un problème lourd d’articulation entre la démocratie nationale et la démocratie européenne en matière économique et de finances publiques. Les lois budgétaires sont l’expression constitutionnelle du principe du consentement à l’impôt (et plus généralement à la solidarité) visé par l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (« Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée »), ce qui emporte aussi une délibération démocratique sur la dépense (« l’emploi »).
Or cette dépense est encadrée par cet exercice européen très technocratique (et fort peu démocratique) du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) qui vise surtout à limiter les déficits et par voie de conséquence la dette publique, mais dont le gouvernement français a renforcé le caractère contraignant en s’arcboutant sur sa volonté de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires.
Mais au-delà des débats entre économistes, ce qui est perdu dans cette affaire, c’est un réel débat démocratique sur la politique budgétaire et son articulation avec la politique économique nationale et communautaire, au moment où les nécessités écologiques et sociales l’exigeraient de plus en plus.
Caugliano, Fivizzano, 28 septembre 2023
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