C’est l’histoire de deux mecs, comme aurait dit Coluche. C’est l’histoire de deux agros de la génération des bifurqueurs, mais qui choisissent de ne pas déserter. C’est l’histoire de deux amis, au sens de la définition qu’en a donné de façon définitive Michel de Montaigne, « parce que c’était lui (Arthur), parce que c’était lui (Kevin) ».
C’est l’histoire de deux mecs, une histoire qui probablement ne plaira guère aux éco-féministes de tous poils d’aujourd’hui qui risquent de voir dans les personnages féminins les caricatures de ce qu’elles dénoncent chez les mâles virilistes. C’est l’histoire de deux agronomes les pieds dans la terre qui probablement ne plaira guère aux admirateurs de l’astronaute Thomas Pesquet qui fait de brèves apparitions satellitaires dans le roman. C’est l’histoire de deux amis soumis à l’attraction de deux planètes opposées, Loréal et Extinction Rébellion, qui vont les éloigner l’un de l’autre, les séparer avant que des évènements dramatiques ne les rapprochent à nouveau.
C’est une histoire en forme de deux paraboles entrelacées : la parabole du capitalisme vert et celle de la rébellion écologique. Un capitalisme qui, sous prétexte de nettoyage par les vers, n’est qu’un lavage vert (green washing, dans le français d’aujourd’hui) et ne fait jamais que recycler les logiques de Ponzi d’un capitalisme financier qui repose sur l’accélération permanente, avec leurs conséquences frauduleuses. Une rébellion qui commence avec la dénonciation du productivisme agricole analysé comme un écocide des terres et des vers de terre, et qui, de radicalisation non violente en désobéissance civile, conduit à en inverser la logique et les modalités et à promouvoir l’extinction violente de l’espèce humaine pour éviter l’extinction des espèces menacées.
Deux paraboles en forme de prophéties apocalyptiques qui poussent au bout les logiques sous-jacentes. Deux paraboles qui pourraient illustrer cette mauvaise traduction du Hével havalim de Qohélet, « Vanité des vanités« , vanité tant dans les motivations qui les animent que vaines dans les effets de leurs actions. Mais deux paraboles qui viennent illustrer le fondement adamique de l’humanité, cet humus dont nous sommes issus et où nous avons vocation à retourner : « Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ».
Lombricus terrestris : c’est le nom de l’acteur principal de cette démarche tout à la fois d’humilité et d’humification. Le lombric : une espèce d’annélides dont les galeries souterraines sont le fil vert du roman ; des vers hermaphrodites qui s’accouplent en tête bêche et dont le dispositif digestif a fait depuis des millénaires la fertilité des sols en les aérant et en entretenant leur taux de matière organique -l’humus-, mais dont la raréfaction du fait des pratiques agricoles finit, comme celle des insectes pollinisateurs, par compromettre l’avenir de l’agriculture elle même.
« Humus homini humus » : tel pourrait être l’exergue de ce roman qui nous conte l’histoire de deux descendants d’aujourd’hui d’Adam, autrement dit le terreux, ou le glébeux pour reprendre la traduction d’André Chouraqui.
Lille-Paris, le 29 octobre 2023
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