Tout a été dit ou presque sur la motion de censure opposée au recours par Michel Barnier à l’article 49-3 de la constitution pour faire adopter son projet de loi de financement de la la sécurité sociale. Non pas, au passage, le budget de l’Etat, mais celui de la Sécu qui comportait notamment une baisse du taux de remboursement des médicaments et un report de la revalorisation des retraites, ce qui n’est pas rien mais ne remet pas en cause la continuité de l’Etat et ne méritait probablement ni tant d’honneur ni tant d’indignité. Mais en fait la question essentielle n’est pas là. Car l’adoption de cette motion de censure est l’aboutissement de la crise institutionnelle la plus grave depuis celle qui a mis fin à la Quatrième République.
Quand on refait le film des événements qui ont conduit à cette crise, on ne peut s’empêcher de songer à l’enchainement des décisions qui ont conduit, hors la volonté de la plupart des acteurs, au déclenchement de la première guerre mondiale, avec les conséquences cataclysmique que l’on sait. Bien sûr les conséquences ne sont pas comparables, mais, malgré les sursauts, comme le lancement d’un nouveau front populaire le soir même de la décision de dissolution à celle d’un front républicain le soir même du premier tour des législatives, c’est la longue litanie des coups de dés et des coups de billard à plusieurs bandes qui frappe :
- de la décision d’Emmanuel Macron de mettre fin à la 16ème législature de la cinquième République au soir de la victoire du Rassemblement nationale et de l’échec de son camp aux élections européennes au refus de laisser la candidate du Nouveau front populaire tenter de constituer une majorité après que ses composantes se soient laborieusement mis d’accord sur son nom ;
- du ralliement opportuniste d’Eric Ciotti au Rassemblement national au refus des autres Républicains de se rallier au Front du même nom ;
- du refus de Mélenchon à mettre de l’eau dans le vin du programme du NFP bloquant ainsi toute possibilité de compromis au sein de l’Assemblée nationale au maintien d’un gouvernement démissionnaire pour « expédier les affaires courantes » pendant prés de deux mois ;
- du veto opposé par le RN à la nomination d’un Premier ministre de centre gauche, comme Cazeneuve, ou de centre droit, comme Bertrand, pour cause d’incompatibilité avec le respect dû à leurs électeurs à sa mise sous surveillance du candidat finalement retenu ;
- de la supposé découverte d’un déficit public beaucoup plus important que prévu laissé par les précédents gouvernements au refus obstiné des députés macronistes de revenir un tant soit peu sur les baisses de charge ;
- de la volonté de Mélenchon d’accélérer le processus présidentiel, avec l’engagement par LFI d’une procédure de destitution du Président de la République au ralliement sur cette posture de Marine Le Pen après que le procureur ai requis contre elle l’application immédiate de la condamnation à l’inéligibilité, lui barrant potentiellement le chemin de l’Elysée en 2027,
le summum du cynisme en politique a surement été atteint par un RN votant une motion de censure déposée par la gauche et qui le condamnait tout autant que le gouvernement auquel elle était opposée. On pense au « Tout commence en mystique et fini en politique » de Péguy, car le souci de l’éthique en politique qui veut que l’intérêt supérieur de la Nation l’emporte sur les considérations politiciennes n’a pas plus animé toutes les autres composantes de la classe politique, chacun se réfugiant derrière un infantile « c’est pas moi, c’est l’autre », comme l’a encore fait jeudi dernier Emmanuel Macron dans son allocution aux français.
Tout cela pourrait conduire à alimenter encore davantage le populisme, le rejet des institutions, l’antiparlementarisme, la haine des responsables politiques, et notamment du premier d’entre eux, à conduire finalement à substituer la violence civile à la dispute politique. « Halte à cette spirale infernale » : souhaitons qu’en ces moments critiques tous entendent ce cri.
Paris, le 9 décembre 2024
Laisser un commentaire