Ceci est un commentaire du baromètre de la fraternité 2025. Une mesure effectuée chaque année par le Labo de la fraternité et publié ce jour, journée internationale de la fraternité.
La version 2025 du baromètre de la fraternité confirme l’ambivalence de notre rapport avec le troisième terme de la devise républicaine, un rapport qui reste fondamentalement paradoxal. Ainsi, même si son score progresse, elle reste loin derrière les deux autres au podium des valeurs communes, et ce alors même qu’une grande majorité la trouve insuffisamment valorisée et pourtant nécessaire à la sécurité comme à la santé, notamment mentale. Dans une société fragmentée marquée par un sentiment d’isolement croissant, touchant près de trois jeunes sur quatre, un niveau de méfiance élevé et la montée des tensions amplifiée par les réseaux sociaux, mais qui reste très majoritairement heureuse et optimiste, on observe un retour de la préoccupation de soi, centrée sur la protection contre les agressions et incivilités et sur les cercles de proximité, la famille en particulier et les personnes de l’environnement immédiat.
On pourrait y voir la confirmation de l’archipélisation de la France. Mais ce baromètre porte aussi un message d’espoir dans la mesure où la diversité, qui reste considérée comme la principale caractéristique de la société française, et ce bien devant la liberté, l’égalité ou la fraternité, génère de moins en moins de craintes (même si celles-ci restent majoritaires) et de plus en plus de sentiments positifs : elle est vécue tout autant comme facteur d’enrichissement, mais aussi d’ouverture sur le monde, de créativité ou encore de force pour le pays. De quoi relativiser le « sentiment de submersion » qu’entretiennent les populistes d’extrême droite. Une majorité de Français déclare ainsi collaborer régulièrement avec des personnes différentes et pour la totalité des items cela augmente : générations, milieux sociaux, modes et lieux de vie, couleurs de peau, origine linguistique ou ethnique, genre et orientation sexuelle, et même sensibilité politique, ou encore convictions religieuses ou philosophiques.
A cet égard, si la coexistence des différentes religions est considérée comme une chance pour la France celles-ci ne sont majoritairement pas jugées en revanche comme favorisant la fraternité, alors que la laïcité reste, elle, majoritairement comprise comme facteur de fraternité, protectrice de la liberté de croire ou de ne pas croire, et favorisant cette coexistence. Et en cas de désaccord une majorité des français disent préférer essayer de comprendre le point de vue de l’autre plutôt que d’arrêter l’échange ou d’essayer de le convaincre.
Ce qui frappe au demeurant c’est la vision individualiste de la fraternité qui ressort de ce baromètre, comme l’illustre le plébiscite pour la demande de respect -mot de notre époque et centré sur les individus- et ce loin devant la tolérance, la solidarité, l’empathie ou le dialogue, toutes attitudes nécessaires au débat démocratique. Cela peut être mis en parallèle avec un sentiment de méfiance vis-à -vis des autres qui reste très élevé (plus de trois français sur quatre). Peut-être peut-on y voir une des explications de la désaffection vis à vis de la démocratie.
Paris, Croulebarbe, le 4 février 2025
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