LOAA = Loi d’orientation et d’avenir agricoles. « Il s’agit d’une loi d’ajustement technique, et non d’une loi d’orientation agricole ». Ce n’est pas moi qui le dit mais le député apparenté Horizon, Thierry Benoît.
Sa principale novation est de définir, dans la novlangue du moment, « la protection, la valorisation et le développement de l’agriculture et de la pêche » comme « d’intérêt général majeur en tant qu’ils garantissent la souveraineté alimentaire de la Nation ». On s’interroge sur la portée juridique de cette définition : s’agit-il de considérer l’agriculture comme un service d’intérêt économique général (une notion proche de celle de service public) au sens du droit européen ? Il m’étonnerait que ce soit la demande de la profession ou l’intention du législateur.
En matière d’aide à l’installation, un enjeu majeur pour l’évolution d’une agriculture qui va voir la moitié des exploitants agricoles partir en retraite dans les dix ans, la principale disposition vise la mise en place d’un guichet unique, géré par les Chambres d’agriculture. Mais rien pour essayer de régler la question lancinante du poids croissant de l’investissement, notamment du foncier.
En matière de conciliation entre les objectifs de production et les objectifs environnementaux, affichée au départ comme une de ses finalités par Marc Fesneau dans les travaux préparatoires, la loi affirme le « principe de non‑régression de la souveraineté alimentaire » …, et contrevient ouvertement, au moins en apparence, au principe de non-régression inscrit dans le droit de l’environnement -« la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment » »(article L. 110-1 du code de l’environnement)- avec notamment la dépénalisation de certaines atteintes à l’environnement dès lors qu’elles ne sont pas intentionnelles. Mais ne faisant en l’espèce que confirmer un principe général du droit pénal « Il n’y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » (article L 121-3 du code pénal).
Au delà de ce salmigondis juridique que les tribunaux auront bien du mal à démêler, le problème principal, qui a conduit Dominique Potier à voir « un moment trumpien » dans le vote d’une loi qui pour lui « s’inscrit dans la bataille de la droite contre les normes« , c’est le signal envoyé à l’agriculture dans le contexte d’hystérisation des débats sur le sujet de la conciliation entre agriculture et environnement. C’était pour sortir de ce mauvais débat que j’avais proposé le lancement d’une consultation publique par le Cese sur le sujet dans mon rapport sur la prévention du mal-être en agriculture. Gageons que cette loi pour rien n’y contribuera pas.
Paris, Croulebarbe, le 24 février 2025.
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