Essayez de maîtriser collectivement le devenir du monde, telle est l’inspiration profonde de la démocratie. En cela elle trouve sa source dans l’entraide, cette « autre loi de la jungle » mise en évidence par le russe Piotr Kropotkine et qui, à rebours de la domination ou de la compétition, conduit les humains à coopérer pour régler ensemble les problèmes auxquels ils sont confrontés.
Cette « affectio democratiae », cet attachement à la démocratie, est aujourd’hui menacé par l’extension du domaine du darwinisme social avec sa traduction néolibérale, et du suprématisme avec sa traduction nationaliste ou impérialiste. Pour reprendre une citation d’Edgar Morin qui circule beaucoup sur les réseaux sociaux : « Le grand remplacement est celui des idées humanistes et émancipatrices par les idées suprématistes et xénophobes« .
Et c’est un cercle vicieux : plus la démocratie recule et plus nous avons le sentiment que le devenir du monde nous échappe ; plus nous avons le sentiment que le devenir du monde nous échappe, plus nous aspirons, comme le révélait le dernier baromètre du Cevipof [1], à un pouvoir fort et autoritaire avec le sentiment en la lui déléguant de retrouver la maîtrise des choses ; et plus nous cédons à la tentation autoritaire plus finalement le devenir du monde nous échappe davantage, comme l’illustre aujourd’hui la situation politique internationale après l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats Unis d’Amérique.
« Et pourtant il est entre nos mains » nous rappelle René Girard. Encore faut-il en (re)prendre conscience : non pas seulement à le penser, mais aussi, comme il nous y invite, à le méditer. C’est à cette réflexion méditative que nous nous proposons de nous livrer lors de notre prochaine Université d’été dont nous vous présentons les ambitions dans ce numéro ; en creusant au plus profond les fondements anthropologiques de la démocratie et en puisant dans le commun spirituel de l’humanité pour trouver l’énergie nécessaire pour sortir de ce cercle vicieux infernal.
Paris, Croulebarbe, le 27 février 2025
[1] Selon le Baromètre du Cevipof, 41 % des Français se disent favorables à un dirigeant qui gouvernerait sans le Parlement ni les élections, un chiffre en hausse constante depuis 2017. 73 % souhaitent « un vrai chef pour remettre de l’ordre ».
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