« Laïcité : le Conseil d’État rejette le référé contre l’interdiction du port de l’abaya à l’école ». Cette décision ne faisait pour moi guère de doute. Elle est en ligne avec la jurisprudence de la haute juridiction administrative, comme d’ailleurs celle, en apparence en sens inverse, annulant les arrêtés municipaux antiburkini sur les plages en août 2016, jurisprudence d’ailleurs confirmée en juillet dernier dans le plus grand silence médiatique, pour un arrêté du même tonneau de la commune de Mandelieu La Napoule.
Il ne s’agit pas pour autant de la part du Conseil d’Etat d’une forme de godille jurisprudentielle pour contenter, un jour les islamophiles, et l’autre les islamophobes ; en effet entre la première, application ancienne de la loi de 1905, dite de « séparation des Eglises et de l’Etat », et qui définit dans son article 1er la laïcité, et la seconde, il 0y a eu la loi de 2004. Une loi qui faisait suite aux propositions d’une commission dont la majorité des membres étaient plutôt défavorables, au départ, à une interdiction légale des signes religieux à l’école, à commencer par son président, Bernard Stasi (qu’on ne peut pas considérer en effet comme un laïcard acharné) mais l’ont proposé après l’écoute des témoignages des praticiens de l’éducation et ont considéré que l’école publique devait, tant qu’ils ne sont pas majeurs, protéger les enfants des influences religieuses excessives.
Pour ma part je pense qu’on a mis en place, face aux tensions que le religieux, et pas seulement l’islam, peut susciter dans la société, un bon équilibre. Ce qui m’inquiète en revanche c’est l’instrumentalisation politique à laquelle a donné lieu, de part et d’autre, cette affaire religioso-vesti0mentaire, conduisant à un psychodrame national, comme à chaque fois depuis la première affaire du voile en 1989.
C’est pour éviter cette hystérisation du débat sur les problèmes d’application des principes de la laïcité que nous avions, avec Démocratie & Spiritualité, proposé la création d’une Autorité indépendante chargé d’arbitrer les problèmes d’application concrète des principes de la laïcité.0
Rêvons un peu : si notre proposition avait été suivie, au lieu de lancer le pavé dans la mare médiatique de l’interdiction de l’abaya, le ministre de l’Education nationale aurait saisi pour avis la haute autorité de la laïcité ; chacun aurait pu faire valoir ses arguments sans que cela tourne à la polémique politicienne et au procès d’intention, islamophobe ou islamiste ; et la haute autorité aurait rendu un avis permettant aux chefs d’établissements de s’appuyer sur lui dans leurs pratiques. La situation juridique ne serait probablement pas très différente, mais nous nous serions évité un débat politicien malodorant et concentré nos énergies démocratiques sur des problèmes plus importants.
Paris, Croulebarbe, le 8 septembre 2023.
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