Commençons par un quiz, puisque c’est ainsi qu’on dit dans le français d’aujourd’hui. Qui a dit « Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération. » ? Qui a dit « La République une et indivisible, c’est notre royaume de France » ? Non, ce n’est pas Zemmour ! C’est, pour la première citation, Marc Bloch, dans L’étrange défaite, et pour la seconde, Charles Péguy, dans l’Argent.
On a beaucoup commenté le clip (puisque c’est ainsi qu’on dit dans le français d’aujourd’hui) de candidature d’Eric Zemmour, avec l’inévitable comparaison avec le Général de Gaulle et son appel du 18 juin qu’il était supposé singer, et la contradiction avec ses références maurrassiennes et pétainistes. Et brocardé des mentions comme celle à Brassens qui n’étaient en ligne ni avec l’une ni avec l’autre.
Et si l’essentiel n’était pas là, mais dans la mise en scène d’un roman national qui, comme celui imaginé par la 3ème République, assume, ou plutôt subsume, les contradictions de notre histoire pour essayer de ressusciter dans l’inconscient collectif, par des images et des références implicites, ce qu’on pourrait appeler l’âme de la France
Inconscient, car on est plus dans l’évocation que dans la citation. Comme cette reprise en fond sonore de la septième symphonie de Beethoven, le plus européen des musiciens allemands, qui a servi, au début des années soixante-dix, d’accompagnement musical à un poème crépusculaire de Philippe Labro, le plus américain des auteurs français, écrit à l’époque pour Johnny Halliday, le plus français des chanteurs belges. Ou encore, « étrange et pénétrant », cette évocation d’un vers de Verlaine, au début de cette longue péroraison. Procédé rhétorique qui avait été également utilisé par Emmanuel Macron lui-même quand il parlait des « jours heureux », pour évoquer sans le citer le programme du CNR pendant le confinement.
Est-ce que ça marche ? Ce n’est pas sûr, mais c’est possible. Et c’est là le plus grave. Car on est dans le même mensonge que dénonçait Péguy dans « Notre jeunesse ». Non qu’il n’y ai pas d’âme de la France, celle-là même que les fondateurs de Témoignage Chrétien craignaient qu’elle ne la perde. Mais son exaltation ne saurait être instrumentalisée au service d’un racisme antimusulman, le versant sombre, en contrepoint de l’idéalisation de la France, du clip de Zemmour, pas plus qu’elle ne pouvait être instrumentalisée au tournant du 20ème siècle, au service de l’antisémitisme, par les antidreyfusards.
Paris, Croulebarbe, le 7 décembre 2021.
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