A l’occasion des concertations engagées avec les partenaires sociaux, l’exécutif a annoncé son intention d’appliquer dès octobre le dispositif de baisse des allocations chômage, ce dispositif de la réforme de l’assurance chômage qui n’était pas prévu dans le programme présidentiel, et qui a été suspendu par le Conseil d’État en juillet pour un motif économique et social qu’on peut considérer comme justifié, mais surprenant (pour ne pas dire contestable) sur le plan juridique. Est mis en avant à l’appui de cette décision, non plus tant la question de l’équilibre financier du régime, dont les récentes projections de l’Unedic ont relativisé la gravité, mais les pénuries de main d’œuvre dont patissent les entreprises. La baisse des allocations seraient un moyen d’inciter les chômeurs à « traverser la rue » pour trouver un emploi, de leur éviter de s’installer dans le chômage et à « se bouger » pour prendre ces boulots pour lesquels les entreprises ne trouvent pas de candidats et dont la pénurie pèse négativement sur la croissance.
Est-ce vraiment le sujet ? Rien n’est moins sûr. Il y a schématiquement deux types de métiers pour lesquels on ne trouve pas preneur, et ce, au passage, pas seulement en France mais aussi dans nombre de pays euroépens.
Les premiers sont ceux qui nécessitent des qualifications insuffisamment présentes sur le marché du travail, notamment dans le secteur de l’économie numérique. La baisse des allocations chômage n’aura qu’un effet au mieux très marginal, en incitant les personnes momentanément au chômage à en retrouver encore plus rapidement un, au risque d’ailleurs d’une adéquation moins bonne entre les les qualifications et les aspirations des personnes concernées et les emplois occupés. Le régime d’assurance chômage avait d’ailleurs été créé en 1958, en période de plein emploi, pour assurer cette meilleure fluidité du marché du travail. Développer ces qualifications nouvelles passe d’abord par l’amélioration de la formation professionnelle et les difficultés de recrutement illustrent au mieux le retard (au pire, le relatif échec) de sa réforme, mise en place en janvier 2019, à produire les effets attendus.
Mais les gros bataillons des pénuries ne sont pas sur ces métiers, mais dans ceux considérés, à tord, comme faiblement qualifiés et par voie de conséquence tout à la fois mal rémunérés et exercés dans des conditions difficiles : dans le bâtiment et les travaux publics, mais aussi dans l’hôtellerie et la restauration, ou encore, et de plus en plus, dans les services et les soins aux personnes (avec d’ailleurs, pour ceux-ci, une part importante dans le secteur public).
Plutôt que d’essayer de pousser vers la porte du système de couverture chômage les bénéficiaires des allocations en les diminuant -ce qui va surtout avoir pour effet de diminuer leur revenu et donc d’augmenter la pauvreté-, il vaudrait mieux rendre plus attractifs ces métiers, notamment en terme de rémunération. C’était d’ailleurs, dans le secteur hospitalier, l’objectif principal du Ségur de la santé. Une politique d’autant moins risquée à mettre en œuvre qu’au vu des secteurs concernés elle pèsera peu sur la compétitivité externe de l’économie française ; une politique qui pourrait passer à la fois par une incitation des branches à négocier des minima plus élevés et par une revalorisation significative du Smic qui enverrait un signal général aux entreprises. Ce que le gouvernement vient, par le canal de son porte parole, de refuser.
Paris, Croulebrabe, le 1er septembre 2021
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