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Coup sec sur le mois de janvier

Je fais le dry january, pardon le janvier sec, le janvier sans alcool si vous préférez. D’abord pour des raisons de santé, c’est l’objectif premier de cette initiative : tester ma dépendance à l’alcool. L’alcool, un tabou, ou plutôt un déni français. Mais en renouant avec la très ancienne tradition des jeûnes rituels, qui ont aussi pour les religions qui les prônent un fondement sanitaire, c’est aussi une démarche symbolique, et pour tout dire, spirituelle.

Je publie ici le texte publié dans Témoignage Chrétien le 13 janvier, sous le titre « Janvier sobre »

Coup sec sur le mois de janvier

 

Depuis trois ans, avec le premier mois de l’année, revient le janvier sec, le « dry january » dans le français d’aujourd’hui. Ce seraient cette année un quart des français (contre un dixième l’année dernière) qui se livrent à cette ascèse sanitaire annuelle. Beau succès pour les promoteurs de cette initiative, et ce malgré le refus de l’exécutif, il y a trois ans, d’en faire une campagne officielle de santé publique ; à l’évidence sur la pression des lobbys alcooliers (quelle différence avec la fermeté affichée sur les produits à base de cannabidiol (CBD), qui n’ont pas d’effet psychoactif ni addictifs mais dont un arrêté récent vient de réduire l’ouverture du marché français à laquelle nous avait pourtant contraint l’unification du marché européen !).

Pourtant l’alcoolisme est bien un des principaux problèmes de santé publique en France : on lui attribue plus de 40 000 décès par an, ce qui en fait, après le tabac, la principale cause de mortalité évitable, que ce soit par ses effets directs (cirrhoses, cancers, ou maladies cardiovasculaires, notamment) ou indirects (accidents de la circulation ou du travail, suicides, sans parler des féminicides).

Plus que son impact direct sur la mortalité et la morbidité due à l’alcool, l’enjeu principal du mois sans alcool est de lever le tabou, ou plus précisément le déni français sur l’alcoolisme. Un déni qui a conduit la plus haute autorité de l’état à désavouer une ministre de la santé qui n’avait fait que rappeler que la molécule d’éthanol présente dans le vin est la même que celle qu’on trouve dans le whisky. Pour nombre de français en effet le vin -mais aussi, selon les régions, la bière, le cidre ou le poiré (sic !), les seules boissons alcoolisées à être autorisées sur le lieu de travail-, ce n’est pas vraiment de l’alcool.

En s’obligeant, et c’est parfois difficile, à une cure momentanée d’abstinence, les participants prennent conscience de leur dépendance à l’alcool. « Vous êtes libres de boire, mais ne vous laissez pas assujettir par l’alcool » pourrait-on dire en plagiant l’apôtre Paul s’adressant aux corinthiens d’aujourd’hui. Ce faisant, et sans tomber dans la radicalité de l’interdit, en nous invitant à nous libérer de la dépendance à l’alcool, le janvier sec renoue avec les très anciens rites religieux de jeûnes périodiques et constitue une forme de carême ou de ramadan laïque.

Une portée symbolique et spirituelle qui au regard des enjeux de la planète va au-delà de l’affirmation toute épicurienne de la tempérance individuelle dans la jouissance des plaisirs de la vie. Car en nous invitant à être sobres dans la consommation de produits alcoolisés, ce jeune régulier est aussi une façon de promouvoir cette sobriété dans la consommation, et donc dans la production, qui est probablement, plus que la décroissance, la réelle alternative à une croissance destructrice de notre habitat planétaire.

Paris, Croulebarbe, le 10 janvier 2022

 

 

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