Merci à Maxime Lelong de nous avoir réveillés. La marche pour le climat d’hier a été une réussite de mobilisation citoyenne, pacifique et bon enfant, et même les récupérateurs de profession en ont été pour leurs frais, à l’image de ces panneaux de la France insoumise qui ont été récyclés par les marcheurs, en en déchirant le logo : le message de Nicolas Hulot a été entendu, et cela donne une dimension positive à sa démission fracassante.
Le jour d’après, la question qui se pose est de savoir comment transformer un mouvement social, une aspiration citoyenne, en politique publique. Il faut dire que les errements de l’écologie politique, depuis une cinquantaine d’année, n’ont pas permis de doter cette aspiration d’une organisation politique susceptible d’opérer cette transformation, en d’autre terme d’un parti. Et de façon plus générale, on peut constater les difficultés où sont aujourd’hui les partis pour transformer les aspirations en projets politiques, donnant ainsi raison, plus de soixante-dix ans après, à Simone Weil et à sa critique radicale des partis politiques. Je n’ai pas non plus été convaincu par la proposition d’un referendum sur le sujet, lancée dans T.C. par Jean-Marc Salvanes (même si elle a au moins le mérite de poser clairement la question) : face à des phénomènes systémiques, il est difficile de faire « plus ou moins » d’écologie, a fortiori de ramener cette question à un choix binaire, « par oui ou par non » ; la seule solution serait de soumettre l’équivalent d’une « constitution environnementale » au vote populaire, avec cette difficulté, intrinsèque au referendum, de savoir sur quoi exactement les citoyens se prononcent, comme l’a illustré encore récemment le brexit au Royaume Uni. De surcroit, compte tenu des enjeux, un tel scrutin n’aurait de sens qu’au niveau planétaire, ce qui, à l’évidence, n’est pas envisageable.
Justement, quelques jours avant la marche, le 5 septembre, l’Onu a rendu public le dernier rapport de la Commission mondiale sur l’économie et le climat, qui chiffre, à l’horizon 2030, à 26 000 milliards $ et à 65 millions d’emplois les retombées économiques potentielles d’une politique favorable au climat. Cela confirme l’idée qu’il n’y a pas forcément d’opposition entre politique économique et politique écologique, à condition qu’on sache se doter des outils de pilotage nécessaire, comme je l’ai développé ici.
Quitte à passer pour un technocrate, ce que j’assume d’ailleurs (ou plutôt un gestionnaire de politiques publiques), c’est l’occasion de mettre en évidence une dimension importante, mais souvent oubliée, de la transformation des aspirations citoyennes en politiques publiques : la mise en place des outils (juridiques, économiques, fiscaux, etc.) permettant d’atteindre les objectifs qu’on se fixe, et au premier chef, d’outils de pilotage. D’où ma proposition de mise en place, en lieu et place du PIB, d’un PIN, produit intérieur net, net de la consommation de facteurs de production environnementaux.
Certes on dira, ce qui n’est pas totalement faux, que la culture dominante au sein des décideurs publics n’est pas favorable à l’intégration des objectifs environnementaux dans les outils d’aide à la décision publique. En même temps, à l’ère de l’open data et du développement de la démocratie numérique, il y a peut-être une opportunité pour ouvrir un nouvel espace pour la délibération collective, en faisant davantage participer les citoyens, éclairés par une information plus transparente, à l’élaboration de ces outils.
Paris, le 9 septembre 2018
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