C’est à un exercice d’équilibriste que s’est livré Emmanuel Macron sur le thème attendu du communautarisme. Difficile équilibre pour éviter de tomber du côté islamophobe, et l’on vient de voir, une fois de plus, en Allemagne, que cette forme de racisme n’a rien à envier à son précédent antisémite sur lequel avait prospéré le nazisme et une grande partie de l’extrême droite européenne. Mais avec le risque aussi, ce faisant, de tomber de l’autre côté, en se voilant la face sur le risque islamiste, en France ou ailleurs dans le monde.
Il était habile, de ce point de vue, de convoquer une nouvelle notion, le séparatisme, pour éviter, en dénonçant le communautarisme, de cibler une communauté particulière, celle des musulmans, qui, comme toutes les autres communautés a droit de cité dans la République, dès lors qu’elle ne cherche pas à se substituer à elle. En même temps, selon le principe macronien, cela permettait de donner une tournure géopolitique au discours en ciblant notamment la Turquie (mais beaucoup moins l’Arabie saoudite, ou le Maroc).
Habile, mais avec le risque de « mal nommer les choses », et d' »ajouter au malheur du monde ». Car la revendication islamiste n’est pas à proprement parler séparatiste, comme a pu l’être celle des basques ou des corses, mais plutôt substitutive. Et, de même que lutter contre l’islamisme ce n’est pas lutter contre l’islam, ou que refuser le retour de la chrétienté ce n’est pas attaquer les catholiques, lutter contre la dérive communautariste, ce n’est pas dénier aux communautés le droit d’exister, c’est leur dénier le droit d’imposer leur loi à ceux qui ne veulent pas s’y plier, en rappelant que la seule loi applicable à tous (sous réserve de l’objection de conscience) est celle de la République.
Habile et surtout prudent, car, pour limiter le risque en cas de chute, l’équilibriste n’a pas mis la corde très haut, en se limitant à des mesures somme toute assez consensuelles sur les conditions d’exercice du culte musulman, et en replaçant sur orbite le CFCM. Et l’on espère que les prochaines interventions annoncées permettront d’aller plus loin.
A cet égard, on attend toujours le grand discours sur la laïcité, car celle-ci est le moyen, en s’appuyant sur un des principes juridique fondateur de la République, d’éviter de cibler une religion, une croyance ou une spiritualité en particulier, pour leur rappeler à toutes la place qu’elles peuvent occuper dans notre société. Un principe assez simple en réalité : la liberté dans ce domaine s’arrête là où commence celle des autres. C’est vrai pour l’islam, bien sûr, mais aussi pour certains juifs orthodoxes qui refusent les contacts avec les femmes, des évangélistes dont on voit les dégats qu’ils font au Brésil ou aux Etats Unis, et bien sûr de tous ces catholiques qui révent, en secret, de rétablir un état de chrétienté en Europe.
Paris, le 24 février 2020
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