Des débats malodorants sur un projet de loi fourretout supposé lutter contre le « séparatisme islamiste » à la dissolution annoncée de l’Observatoire de la laïcité, du lancement d’une enquête sur l’islamo-gauchisme à l’Université aux polémiques sur le financement public d’une mosquée en régime concordataire, d’une charte contestée de l’islam de France aux États généraux peut-être avortés de la laïcité, les français sont en train de perdre leur latin républicain. Le comble pour une laïcité « à la française » qui devait servir de ciment au vivre ensemble et éviter que la lutte légitime contre le terrorisme djihadiste ne dégénère en guerre de religion contre l’islam et qui est en train de devenir le paravent d’un racisme insidieux qui s’est focalisé sur la question du voile. Une laïcité qui finit par être rejetée comme liberticide et islamophobe par les plus jeunes. Quel gâchis !
Si la laïcité,comme tout principe juridique, est simple dans son énoncé, son application peut paraître contradictoire dès lors qu’il s’agit de trancher les dilemmes auxquels nous sommes confrontés. Ce n’est pas nouveau, mais cela participe aujourd’hui de l’hystérisation des débats. Quelques exemples.
Oui la laïcité c’est d’abord la liberté de conscience et de culte. Mais non cela ne confère pas aux religions une liberté sans limite. Oui la laïcité a conduit à la séparation des Églises et de l’État ce qui entraine la neutralité de la République sur les questions religieuses. Non cela ne lui interdit pas d’intervenir pour que l’organisation des religions respecte les principes républicains. Non l’islam n’est pas plus incompatible avec les valeurs républicaines que les autres religions et les musulmans ne sauraient être tenus responsables des attentats qui sont commis en son nom. Mais non, on ne peut considérer que ces actes sanguinaires n’ont aucun rapport avec un islam d’autant plus intouchable qu’il serait la religion des opprimés. Oui le port du voile, comme celui de tout autre signe religieux, est autorisé dans l’espace public. Mais oui, on a aussi le droit de le critiquer sans être pour autant qualifié d’islamophobe. Oui, la liberté d’expression n’autorise ni le racisme ni l’injure. Mais non, le respect dû aux croyants de toute obédience n’interdit ni la critique ni la caricature de leur croyance et de rétablir le crime de blasphème.
On peut énumérer à l’infini la liste des sujets sur lesquels les principes de la laïcité devraient permettre d’arbitrer pacifiquement et avec le discernement nécessaire les nombreux conflits qui naissent de la coexistence de convictions au sein de notre société. Mais à condition d’arrêter de lui demander de donner plus qu’elle ne peut, d’arrêter d’en faire l’ultima ratio d’une bataille nécessaire contre le cancer djihadiste.
Paris, Croulebarbe, le 25 avril 2021
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