Sous ce titre, Témoignage chrétien du 1er février a publié mon commentaire sur le sondage du Laboratoire de la fraternité.
Le 4 février, c’est, depuis trois ans maintenant, la journée internationale de la Fraternité humaine ; une décision des Nations unies, prise en pleine crise du Covid, qui vise à « faire face aux actes qui incitent à la haine religieuse et qui menacent ainsi l’esprit de tolérance et le respect de la diversité » et fait suite à la rencontre, le 4 février 2019 à Abou Dhabi, entre le pape François et le grand imam d’Al-Azhar, Ahmed el-Tayeb, et à leur déclaration commune intitulée « La fraternité humaine pour la paix mondiale et la coexistence commune ».
C’est donc désormais à l’occasion du 4 février que le Labo de la fraternité sort son baromètre annuel. La cuvée de cette année permet de mesurer la cote de popularité de la troisième vertu de la devise républicaine, bonne dernière avec 9 % des répondants qui la mettent en tête – 28 % pour les électeurs écolos, et seulement 6 % pour ceux de Renaissance –, derrière la Liberté, largement en tête – avec 65 % des répondants – et l’Égalité – avec 25 %.
Comme les deux autres principes de la devise républicaine, la Fraternité est une notion polysémique : c’est le génie de ces mots-valeurs, de ces idées-forces, que de faire converger sur eux de multiples aspirations, de mobiliser des énergies et même d’engager des vies humaines. Or, ce qui est plus inquiétant et peut-être même plus grave que sa place sur le podium, c’est l’évolution de la cote des items auxquels est associé le mot de fraternité. Ainsi en est-il de la diversité, pointée par la déclaration onusienne et qui vient en tête des caractéristiques de la France : l’idée selon laquelle elle « crée des problèmes, des conflits », « génère des politiques favorisant les minorités au détriment de la majorité » ou plus globalement « inquiète », ou encore « nous fait perdre notre identité, nos valeurs » augmente significativement, parfois de plus de dix points par rapport aux années précédentes ; alors que diminue dans la même proportion l’idée selon laquelle elle « est enrichissante pour les individus », « ouvre notre société sur le monde », « favorise la créativité » ou constitue « une force pour le pays ».
« Il n’est pas besoin d’espérer pour entreprendre ni de réussir pour persévérer » et ceux qui, comme nous, veulent relever « les défis de la fraternité » pourront se rassurer en notant que près de 80 % de nos concitoyens sont prêts à « agir en faveur de la fraternité ». Mais il faut ici faire la part du « biais de désirabilité sociale », qui souvent amène l’interviewé à répondre aux questions d’une manière considérée comme moralement acceptable. Ce biais a longtemps conduit à sous-estimer le vote pour le RN (ex-FN). De ce point de vue et comme l’épisode de la loi immigration, ce baromètre confirme l’hégémonie idéologique croissante du lepénisme et l’urgente nécessité de donner un sens concret et positif à la troisième valeur de la République… comme avait su le faire en 2018 le Conseil constitutionnel en l’intégrant pour la première fois dans sa jurisprudence.
Paris, le 1er février 2024
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