Chrétien mais agnostique, cela fait belle lurette que je ne sacrifie plus au rite de la messe de la nativité : avant d’être la fête religieuse chrétienne, Noël est pour moi la reprise d’un rite qui célèbre, depuis la nuit des temps, la victoire future de la lumière sur les ténèbres. Aussi n’aurais je pas eu connaissance de la prière universelle lue dans toutes les paroisses à cette occasion, si la radio n’en avait parlé ce matin à mon réveil.
« En cette nuit/ce jour de Noël, où Dieu vient visiter notre humanité et vivre une vie semblable à la nôtre, nous te prions Seigneur, avec toutes les paroisses de France, pour le respect et la protection de la vie, de sa conception à sa fin naturelle. Que la lumière de Bethléem éclaire nos gouvernants afin que ceux qui sont chargés d’élaborer et de voter la loi, prennent mieux conscience du fait que toute vie est un don pour l’humanité, que toute vie est digne et respectable. Qu’en cette nuit/jour de Noël, chacun d’entre nous toujours plus conscient du don merveilleux de la vie, s’engage davantage auprès des plus fragiles et des plus vulnérables pour construire une civilisation authentiquement humaine. »
Je crois que je serai toujours surpris par le sens de l’à propos humaniste et fraternel des évêques de France : au moment où le pape s’inquiète de l’état du monde et des conflits qui le déchirent, au moment où le Vatican vient d’autoriser la bénédiction de couples remariés ou homosexuels et aurait eu besoin de soutien, au moment de nombreux chrétiens sont choqués par le vote d’une loi sur l’immigration qui introduit la priorité nationale dans le droit français, ils n’ont rien trouvé de mieux que de demander aux prêtres d’inclure dans la prière universelle un appel au respect de la vie visant explicitement l’idée de légiférer (enfin)sur la fin de vie, et en même temps le droit à l’IVG acquis il y a bientôt cinquante ans.
Je peux comprendre que pour des raisons religieuses on ne veuille pas faire usage de ces droits, actuels ou futurs, je peux comprendre qu’on y oppose à titre individuel l’objection de conscience, mais je ne peux accepter qu’on veuille les remettre en cause au nom de convictions qui ne sont partagées que par une partie de nos citoyens et après que des travaux de réflexion aient intégré toutes les dimensions des sujets, y compris sur le plan éthique.
Surtout je ne peux comprendre que le principe selon lequel « toute vie est digne et respectable » ne s’applique pas d’abord à ces vivants d’aujourd’hui qui ne souhaitent qu’une chose, continuer à vivre, et non mourir sous les bombes ou égorgés par des terroristes, ou noyés au fond des mers, ou torturés ou condamnés pour leur orientation sexuelle. Avant d’invoquer un « droit au respect de la vie » dont je n’ai pas trouvé de source dans les évangiles, ils auraient pu juste rappeler le « droit à la vie » affirmé dès le sixième commandement : « Tu ne tueras pas ! ».
Paris, Croulebarbe, le 25 décembre 2023
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