Le 11 septembre 1973 est une date marquante pour ma génération politique et qui n’a pas été éclipsée par l’attentat monstrueux contre les tours jumelles. Avec les Lip, le Larzac, le combat antinucléaire et la lutte contre l’apartheid en Afrique du sud, le coup d’Etat de Pinochet au Chili a été un élément déclenchant de mon engagement politique, renforcé ensuite par les contacts avec les réfugiés chiliens (et latinoaméricains) puis par un voyage en 1982 en lien avec le « vicaria de la solidaridad » qui, protégé par l’Eglise catholique, était un des rares lieux de résistance à la dictature. La violence avec laquelle l’armée a mis fin à cette tentative de socialisme démocratique a révélé la brutalité dont la bourgeoisie peut faire preuve quand elle sent son pouvoir menacé comme vient quasiment de le justifier Eric Le Boucher dans l’Opinion et a ouvert une sorte de Kondratiev néolibéral dont on n’est pas sûr d’être sorti. Elle a révélé aussi les capacités de manipulation de la CIA notamment dans cette arrièrecour des Etats Unis qu’était à l’époque l’Amérique latine.
Je ne savais comment faire mémoire de cet événement funeste sur ce blogue, quand me sont revenues en tête les paroles de la Lettre à Kissinger de Julos Beaucarne à qui j’ai rendu hommage ici à l’occasion de sa disparition il y a deux ans. Certes celui qui fut cette année là prix Nobel de la paix n’est pas le seul responsable de la trahison militaire de la démocratie chilienne, mais son implication dans l’opération Condor est aujourd’hui bien documentée.
Salavador Allende, Victor Jara, Pablo Neruda et plusieurs milliers de personnes sont mortes au Chili il y a cinquante ans. Des milliers aussi ont été torturées. Kissinger est aujourd’hui centenaire. Je ne souhaite la mort de personne ; mais j’aimerais qu’on cesse de le considérer comme un vieux sage de la real politique.
Paris, Croulebarbe, le 11 septembre 2023
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