Merci à Alternatives économiques d’avoir publié sur son site la tribune que j’ai signée avec mes amis Arthur Colin et Henri Lastenouse de Sauvons l’Europe (qui a pris l’initiative d’une campagne pour une Europe de la santé) et intitulée :
La santé, nouvelle frontière de la construction européenne
On prête à Jean Monnet ce mot (en fait apocryphe) : « si c’était à refaire, je commencerais par la culture ». Un an après le déclenchement de la crise du Covid on peut se demander si ce n’est pas par la santé qu’il eût fallu commencer.
Car de même qu’il ne peut y avoir de monnaie commune sans coordination des politiques économiques, il ne peut y avoir de libre circulation des personnes et des biens sans une gestion commune de la santé publique. Or celle-ci est aujourd’hui limitée, marché unique oblige, au seul médicament.
Depuis janvier 2020 et les atermoiements initiaux sur le péril réel de la pandémie, les mouvements désordonnés de confinement et de déconfinement, la gestion non coordonnée des pénuries de masques ou de tests … et enfin la vaccination, l’absence de politique commune de santé a été le talon d’Achille de l’Union européenne, à laquelle une plus grande solidarité entre ses membres aurait sans aucun doute permis de mieux gérer cette crise mondiale. Bref, c’est peu dire que la pandémie mondiale de Covid-19 met l’Union européenne et ses institutions à l’épreuve.
Sur la seule séquence des vaccins, face à l’impossibilité de laisser se développer un « Mur de Berlin sanitaire au cœur de l’Europe », l’action commune européenne a finalement été montée dans l’urgence et l’improvisation. « Vaccines: a very european disaster », titrait même le le New York Times, avec pour commentaire ce constat sans appel : « La débâcle de la vaccination en Europe finira presque certainement par causer des milliers de décès inutiles »
Il ne serait pas très sérieux, pour autant, de faire d’Ursula Von der Leyen le bouc émissaire de cet échec. L’action de la Commission Européenne était elle-même, entravée par l’inachèvement chronique du projet institutionnel européen. Le président Macron ne l’oublie-t-il pas quand, portant le mea culpa européen, il déclare : « On a été trop lents, moins rapides que les États- Unis d’Amérique … on a sans doute en quelque sorte moins rêvé́ aux étoiles que certains autres » ?
Car, pour tutoyer les étoiles, il faut déjà passer par la case Nasa – ou Barda1 si l’on entend tutoyer les vaccins ! En somme, la pandémie a fait naître une nouvelle frontière pour l’Union, celle d’une véritable Europe de la santé dont les avancées dans les prochaines décennies pourraient devenir bien plus nécessaires que la réussite de l’Union économique et monétaire.
Vers une intégration sanitaire européenne
Les carences de l’Union lors de cette crise du Covid décrivent en creux les lignes de force de cette intégration sanitaire européenne. Celles d’une politique commune des produits de santé, qui ne vise pas uniquement à la reconnaissance réciproque et à la constitution d’un grand marché, mais permette de garantir l’efficacité et l’innocuité de ces produits. Celles, aussi, d’une stratégie d’investissement qui permette de développer l’innovation et de relocaliser des biens souverains dans une Europe maîtresse de ses brevets, de sa production industrielle et qui soit clairement habilitée à mettre la vie de ses citoyens au-dessus des contingences des mécanismes de marchés. Celles, enfin, de la mise en place d’un mécanisme européen de gestion des crises, en relation avec l’OMS. Au moment où la question de la « souveraineté européenne » redevient d’actualité, nous avons besoin que celle-ci puisse aussi se traduire en termes de résilience sanitaire.
Déjà, avant la crise sanitaire, plus de 70 % des Européens demandaient que l’Union européenne s’engage davantage dans ce domaine. Aujourd’hui, il n’y a plus aucun doute : la leçon de la pandémie est bien que l’Union européenne ne peut protéger efficacement ses citoyens avec ses seules compétences limitées actuelles.
D’ailleurs, ne sommes-nous pas là aux sources du projet européen ? Si « faire l’Europe, c’est faire la paix », cette aspiration à la sécurité collective doit commencer par la protection de l’intégrité corporelle des 440 millions d’Européens.
A l’initiative du mouvement Sauvons l’Europe, une, mobilisation est en cours pour installer l’Europe de la Santé au cœur des futurs débats sur l’avenir de l’Union européenne, à retrouver sur le site Wesign
Paris, Bruxelles, le 30 mars 2021
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