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Le double pari cynique d’Emmanuel Macron

Macron est en train de dépasser en matière de cynisme en politique celui de Mitterrand. Non seulement, après s’être engagé à faire disparaître les raisons de voter RN en 2017, il n’a eu de cesse de le faire monter pour s’en servir de repoussoir à son profit. A tel point que sa parole (ou celle d’Attal), quelle qu’elle soit, est aujourd’hui totalement démonétisée et ne conduit qu’à le faire monter davantage. Mais en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale alors qu’il n’y était en aucun cas obligé, il fait un double pari cynique dans lequel la France risque de perdre son âme.

Le premier est d’essayer, en pariant sur les divisions de la gauche et la quasi disparition de la droite républicaine, de reproduire dans chacune des 577 circonscriptions électorales, ce qui s’est passé  au niveau national lors de la dernière présidentielle : un(e) candidat(e) d’un « en même temps »  sans projet et sans programme face à un(e) candidat(e) RN en pariant que, comme en 2022, les voix de gauche finiront par s’y rallier au deuxième tour pour éviter d’envoyer une majorité d’extrême droite à l’Assemblée nationale. Le problème c’est que cela ne mord pas sur les raisons de voter RN qui se sont à l’évidence accrues depuis sept ans, et que, pour cette même raison, ce ci-devant front républicain, devenu depuis arc républicain, fonctionne de moins en moins bien.

Si cette première cartouche ne fonctionne pas, le deuxième pari est celui de la cohabitation en essayant de refaire ce qu’avait fait Mitterrand en 1986 avec la droite chiraquienne de l’époque. A l’inverse de la phrase célèbre de Marx, cette seconde version (en fait la troisième, si l’on tient compte de l’épisode de 1997) du drame cohabitationniste risque de tourner à la tragédie nationale. Le RN n’est pas le RPR de Chirac, et Macron, qui ne pourra se représenter, ne pourra capitaliser sur sa personne les erreurs de la nouvelle majorité gouvernementale. Et, accessoirement, s’il essaie de s’inspirer du cynisme de Mitterrand, il n’en a, à l’évidence, pas le talent pour pousser un RN qui a fait de grand progrès à la faute. En tous cas on est loin du « parler vrai » de Michel Rocard.

Paris, Croulebarbe, le 10 juin 2024

 

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