« mobiliser plus de ressources éthiques dans la lutte contre l’exclusion, vivre autrement la démocratie et du coup favoriser de la part des spiritualités une démarche de service et non de domination » (Jean-Baptiste de Foucauld, L’abondance frugale)
Des rapports entre la pauvreté, la religion, et la politique, tout a été dit, ou presque. Mais tel n’était pas le thème de la dernière conviviale de D&S où nous avons poursuivi notre « quête de l’esperluette » sur la question de l’exclusion, à la lumière de la crise de la Covid. Car il ne faut pas confondre les mots et les notions qu’ils cherchent à désigner, même si, bien sûr, elles ne sont pas étrangères les unes aux autres.
L’exclusion n’est pas la pauvreté : certes la pauvreté souvent exclut et d’être exclu peut être une cause de pauvreté ; mais on peut aussi être pauvre sans être exclu, et être exclu sans être pauvre. L’exclusion est rupture du lien social et pas seulement économique ; elle est mise à l’écart, souvent inconsciente, mais d’autant plus violente, par la société des humains.
Il ne faut pas confondre non plus religion et spiritualité. Certes les religions sont, pour beaucoup, le support de leur spiritualité ; mais on peut aussi vivre sa spiritualité sans religion, sans évoquer tous les religieux dont les actes, ou parfois même l’inaction, font douter de la profondeur de leur spiritualité. De tout temps, les religions ont entretenu un rapport ambivalent avec la pauvreté : voyant dans la prise en charge des pauvres une obligation morale de charité, ou même de pitié (du moins pour ceux qui ne relèvent pas de la potence) ; mais voyant aussi dans la pauvreté un chemin de spiritualité, voire une forme de spiritualité, conduisant certains à en faire vœu. Sur l’exclusion, la spiritualité invite plutôt à la fraternité sur le premier versant, et à la frugalité, sur le second.
Prenant le relai de la charité enfin, les politiques publiques de lutte contre la pauvreté se sont appuyées sur les deux sources du solidarisme, promue par les républicains : d’un côté l’assurance sociale, et sa généralisation avec la Sécurité sociale ; de l’autre l’assistance, et son prolongement dans l’insertion et l’accompagnement des personnes (qui ont conduit à la création du RMI puis du RSA). Avec aujourd’hui les débats académiques et politiques sur l’efficacité de ce que d’aucuns considèrent comme un « pognon de dingue », affecté à ces politiques. La question de l’exclusion nous oblige, là aussi, à dépasser cette dialectique entre l’économique et le social, pour les repenser comme l’ont proposé le Collectif alerte ou le Pacte du pouvoir de vivre ; non pour leur apporter « un supplément d’âme », mais pour les féconder aussi par un engagement personnel et citoyen. Pour que la participation démocratique et l’écoute fraternelle permette de retisser le lien qui a été rompu.
Paris, Croulebarbe, le 10 juillet 2020.
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