Méditer comme une montagne, quel drôle de nom pour un livre. » Une montagne, ça ne pense pas, ça ne prie pas, dira-t-on. » Bien sûr il y a la référence à « Penser comme une montagne » de l’écologiste américain Aldo Léopold. Mais c’est surtout essayer de saisir dans la matière de la nature le spirituel qui en émane et qui résonne en nous : « Du physique se dégage du spirituel dès lors que la montagne n’est plus considérée comme une chose. ».
En fait sous couvert d’« exercices spirituels d’attention à la Terre et à ceux qui l’habitent » c’est un petit traité d’écospiritualité que nous offre Jean-Philippe Pierron. Un traité d’écospiritualité qui s’appuie sur une sorte de triangulation pascalienne de l’écologie : d’abord une science (« L’écologie, si elle une vision du monde, est aussi le nom d’une discipline scientifique »), mais aussi avec l’écologie politique une tendance politique, et dont il nous reste à découvrir explorer la dimension spirituelle sous-jacente : « Il s’agit de réussir à opérer le passage entre vérité de science et vérité d’existence ; de parvenir à croire ce que nous savons. »
Même si l’auteur d’inspiration personnaliste, dans la filiation d’Emmanuel Mounier, ne cache pas ses références chrétiennes, son écospititualité « n’appartient à aucune religion en propre », « à aucun corpus théologique en particulier« , « qui peut être celle de tous », au-delà de sa « dimension transconfessionnelle », et concerne tout autant les « athées (ou agnostiques) darwiniens », comme Baptiste Morizot.
Pour cela Jean-Philippe Pierron nous invite à développer plusieurs dispositions à l’égard de la nature notamment :
- la disponibilité (« Se rendre disponible, c’est partir à la recherche de sa consistance intérieure. »)
- l’attention, en relatant son expérience de méditation devant les vitraux de Stéphane Belzère de la cathédrale de Rodez (« L’attention est (…) une expérience corporelle à la fois relationnelle et tangible, qui explore dans le souffle, la cuisine, la marche, etc., ou la prière. (…) L’attention est dilatation dans l’être.« )
- qui ne sont pas sans rappeler la résonnance développée par Hartmut Rosa.
Cette écospiritualité, cette « relation spirituelle au vivant », nous invite à « renouveler nos manières de vivre et dire ce que signifie pour nous être vivants sur la Terre parmi d’autres vivants » et a donc des conséquences sur la pratique de la spiritualité.
Une pratique de la spiritualité qui repose d’abord sur le corps et sur les sens, et notamment sur la marche : « Dans la méditation des cinq sens, on peut par exemple faire de la marche, avant même de la nommer « pèlerinage », un exercice écospirituel. »
Une pratique de la spiritualité qui n’éloigne pas non plus, au contraire, des combats politiques : « Que serait, en effet, une spiritualité qui ignorerait qu’il y a des luttes à mener, non seulement intérieures mais extérieures, qu’elles soient sociales, juridiques, économiques ou politiques ? L’écospiritualité n’est pas chose facile. »
Une écospiritualité enfin qui repose sur une anthropologie qui n’est pas plus matérialiste qu’ascétique : « L’homme est une création du désir, non pas une création du besoin. »
Paris, Croulebarbe, 18 – 21 octobre 2023
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