La récente proposition de la Cour des comptes de ne plus prendre en charge les arrêts maladie de moins de huit jour et/ou d’instituer un délai de carence de sept jours sur tous les arrêts de travail, comme auparavant celle (mezzo voce) de Bruno Lemaire de remettre en cause la prise en charge à 100% pour les affections de longue durée, signe en fait l’échec de la stratégie mise en œuvre depuis 2008 : celle qui consiste à ramener le rythme de croissance de la dépense d’assurance maladie à celui du PIB (voir un peu en dessous) de façon à ne pas augmenter les prélèvements obligatoires qui lui sont affectés.
Cela a conduit à exercer une pression excessive sur la dépense pour ramener sa croissance au rythme de croissance du PIB, non pas en visant à améliorer son efficacité médico-économique comme je souhaitait le faire entre 2002 et 2004, mais en jouant principalement sur les variables que l’Etat maîtrise, i.e. principalement les budgets, hospitaliers, les salaires des soignants notamment dans le public, et les prix, notamment celui des médicaments. Cette pression excessive est largement à l’origine de la crise actuelle du système de santé, celle des urgences, de l’hôpital public, de la psychiatrie, de la santé publique, ou encore les pénuries de médicaments, dont la crise Covid a été un des révélateurs.
Après la crise Covid qui a conduit à suspendre temporairement cette politique, puis à essayer d’en rattraper les principaux effets négatifs avec les différents « Ségur », l’objectif de l’exécutif et de la Cnam est d’y revenir. Mais cela ne suffira pas à assurer le retour à l’équilibre comme l’illustre le tableau du rapport de la Cour des comptes (cf. p15 du rapport de synthèse Rapport sur l’application des lois de finances de la sécurité sociale) qui montre que malgré cela, le déficit va se stabiliser à environ 9 milliards € par an !
D’où l’ouverture du concours Lépine des mesures « d’économies » possibles auquel la Cour vient d’apporter sa tonitruante contribution.
Il y a une autre façon d’assurer l’équilibre « emplois-ressources » de l’assurance maladie, c’est de sortir du dogme de la non augmentation des prélèvements obligatoires qui lui sont affectés et d’accepter une croissance de la dépense supérieure à celle du PIB ; de façon économiquement soutenable bien sûr (c’est à dire en ne revenant pas à des taux d’augmentation annuels à plus de deux chiffres comme au début des années 2000, et donc en se donnant les moyens de réguler intelligemment la dépense) ce qui suppose d’augmenter modérément mais régulièrement les recettes, et donc les prélèvements affectés. C’est d’autant plus nécessaire que la seule alternative est d’augmenter les charges des complémentaires santé, ce qui génère une augmentation de dépense, non pas obligatoire mais contrainte (ce qui finalement revient au même) mais avec une efficacité économique et sociale bien moindre que celle de l’assurance maladie. Ou alors, ce qui est pire encore, de renvoyer, sous le faux prétexte de la responsabilisation des assurés sociaux, une partie de la dépense sur eux, comme finalement conduirait à le faire les recommandations de la Cour sur les arrêts de travail.
Paris, Croulebarbe, le 30 mai 2024
Postscriptum en forme de message pour l’opposition de gauche : assumer une telle politique qui reste exigeante pour les pouvoirs publics et pour l’assurance maladie si l’on ne veut pas que le déficit explose, et/ou que cela reste compatible avec le consentement à la solidarité, nécessitera du courage ; il ne suffit pas de critiquer les déremboursement, il faut dire aussi comment on assure l’équilibre économique de la sécurité sociale.
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