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Panser la croissance …. ou la repenser ?

Vendredi 5 novembre, dans le cadre des Jeco (Journées de l’économie) à Lyon, auront lieu, cette année encore et pour la première fois dans le « In », les rencontres de l’Idies, sous la forme d’une table-ronde intitulée « Entre décroissance et croissance verte : comment repenser la croissance ? », avec Denis Clerc, Florence Jany-Catrice, Aurore Lalucq, et Xavier Timbeau. Cette table ronde s’inscrit dans le thème de cette année : « faire des utopies une opportunité » ; l’opportunité de dépasser l’opposition entre « croissance verte » et « décroissance », pour essayer d’imaginer un nouveau régime de croissance, ou peut-être plutôt de développement, pour reprendre une distinction un peu passée de mode.

Comme l’année dernière, cette conférence est aussi pour moi, pour nous, l’occasion de rendre hommage à mon ami Philippe Frémeaux, avec qui j’avais créé l’Idies il y a quatorze ans, et qui nous a quitté en août 2021.

Panser la croissance …. ou la repenser ?

«Les deux vices marquants du monde économique où nous vivons sont le premier que le plein emploi n’y est pas assuré, le second que la répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque d’équité»

Keynes, Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936

La décroissance fait peur ; la croissance verte fait rire. Avec son allure au mieux d’oxymore, au pire de promesse mensongère, la croissance verte fait rire … jaune. Avec son odeur de retour au passé, avec sa couleur bleue grise de vêture amish, la décroissance fait peur, annonciatrice de baisse du pouvoir d’achat, et surtout de réduction du niveau de vie, notamment pour les moins fortunés, comme la révolte des Gilets jaunes en a été l’illustration.

Pour sortir de ce dilemme en forme d’impasse -et qui n’est pas sans rappeler les prophéties malthusiennes-, il me paraît nécessaire de revenir, en l’actualisant, à l’essentiel de l’intuition keynésienne : l’objectif de plein emploi -pour Keynes, en effet, le plein emploi n’est pas naturel ; il doit être recherché pour être atteint-, mais en la posant autrement.

Il y a eu, au fil du temps, une sorte d’inversion de la logique keynésienne, la croissance devenant l’objectif et le plein emploi la résultante. Or, sur le plan des ressources naturelles, cette croissance constitue une forme d’appauvrissement : c’est ce dont atteste le caractère de plus en plus précoce du « jour de dépassement » qui révèle une dilapidation du patrimoine naturel. Plus encore qu’un appauvrissement de l’humanité, le réchauffement fait apparaître lui, un risque de catastrophe(s) planétaire -voire un risque vital-, risque par nature non assurable, et donc non intégré dans le calcul de la richesse, comme peuvent l’être aujourd’hui les divers risques accidentels ou sociaux, par les assureurs et les organismes de protection sociale.

Malgré les promesses d’un « monde d’après », la baisse actuelle du chômage n’est pas fondée sur une refonte de fonds de la croissance, mais sur l’utilisation des vieilles recettes néo-libérales et sur une reprise dans des secteurs symbolique du « monde d’avant » . Surtout cette croissance reste à la fois appauvrissante, comme l’a révélé le nouveau recul du « jour du dépassement » en 2021, revenu au niveau d’avant crise Covid, et porteuse de risques catastrophiques, comme vient de le mettre en évidence le rapport de Global Carbon Project.

Faisons, comme Keynes en son temps, une expérience de pensée, en se donnant comme objectif, non plus seulement le plein emploi de la ressource humaine de travail, mais l’emploi optimal des ressources disponibles, humaines et matérielles, notamment naturelles. L’hypothèse, comme pour la révolution keynésienne qui a mis en évidence les limites de la régulation par les marchés, est que de définir cet objectif oblige à repenser l’ensemble de la régulation économique, et donc d’imaginer un contrefactuel, en d’autres termes une utopie pour reprendre le thème de ces Jéco, qui déroule cette hypothèse dans les différents domaines d’une économie politique qui soit, en même temps, une écologie politique.

 

Lyon, le 4 novembre 2021

 

 

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