En fait la question traitée par ce livre est plutôt « Peut-on enseigner, non pas les religions, mais les faits religieux, à l’école ? ». Et à cette question, Isabelle Saint-Martin, qui avait contribué au rapport Debray, sur l’enseignement du fait religieux à l’école laïque, répond clairement, oui : non seulement, on peut, mais on doit. Et la question finalement est plutôt celle du comment.
Pour répondre à cette question du « comment », l’auteur, historienne de l’art, propose d’utiliser davantage les représentations artistiques comme « garante d’une dimension à la fois laïque et contextualisée », et qui, à l’inverse d’une focalisation sur les conflits, favorise une « mise à distance compréhensive », et permet de lutter contre les idées reçues sur les différentes religions, en resituant les images, les objets, les différentes formes esthétiques dans leur contexte. L’occasion de se réapproprier ce patrimoine commun nécessaire à la compréhension des œuvres du passé, comme de celles d’aujourd’hui.
C’est aussi l’occasion d’une réflexion sur cette notion de fait religieux, déclinée de la notion de fait social des sociologues, et qui présente le double avantage de ne pas renvoyer la religion à la seule vie privée, comme ont parfois trop tendance à le faire les partisans traditionnels de la laïcité, tout en maintenant une distance suffisante avec les convictions des élèves, distance nécessaire à un enseignement qui respecte la neutralité.
C’était le choix retenu par le rapport Debray et qui a conduit, non à un nouvel enseignement, comme cela s’est fait, par exemple au Québec, mais à développer une approche qui passe par les disciplines enseignées à l’école. Quinze an après c’est un bilan en demi teinte qu’on peut tirer du choix français, tant le choix historique de parler le moins possible de religion à l’école, pour éviter, tout à la fois, tout risque de prosélytisme, que « toute approche critique susceptible d’aller à l’encontre des sentiments religieux des familles dans un souci d’apaisement » continue à marquer la culture des enseignants. Y compris pour la matière la plus impactée, l’histoire. Avec le risque de l’autocensure sur les conflits d’hier, pour éviter de relancer des conflits d’aujourd’hui, ou encore de caresser les religions dans le sens du poil au nom de la valorisation du vivre ensemble, en passant sous silence
Parler de faits religieux et non de religion permet pourtant de bien séparer les ordres, celui des convictions et celui de la connaissance, et cela s’applique à toutes les disciplines qui sont passées en revue. Y compris celui des disciplines scientifiques, avec une analyse, toute en finesse, des rapport entre science et croyance, par exemple sur les récits de création : « si la mise à distance de ses convictions dans le cadre d’un travail scolaire n’oblige pas l’élève à renoncer, le cas échéant, à croire qu’il existe un principe créateur, elle le conduit en revanche certainement à découvrir et comprendre la théorie de l’évolution comme un acquis scientifique dûment démontré ».
Paris, le 2 septembre 2019
La question est évidemment comment, mais pas seulement. Il faut aussi définir les contenus. Que peut enseigner? Que doit on enseigner ?
Poser la question peut-on parler de religion à l’ecole peut laisser penser qu’elle est tabou et que les religions sont absentes des enseignements. Ce qui n’est pas tout à fait juste. Les programmes d’histoire ou de philosophie pour ne citer qu’eux évoquent les questions religieuses.