L’humanité arrivera-t-elle à régler la question environnementale. Nul ne peut en être sûr. En revanche, ce dont nous pouvons être certains c’est que deux des voies qui nous sont proposées sont des impasses.
La première c’est celle de la décroissance. Bien sûr notre modèle de croissance est largement à l’origine de la crise et, pour ses partisans, elle est considérée comme le démiurge à l’origine de tous nos maux. Mais il ne suffit pas d’inverser le raisonnement pour inverser le mouvement, car ce concept globalisant de croissance recouvre des phénomènes très divers. Et passer la marche arrière n’est soutenable ni économiquement ni socialement.
La seconde c’est l’appel à l’addition des petits gestes du quotidien. Bien sûr l’exemple donné par le colibri de prendre sa part est tout à fait respectable ; mais il n’y aura jamais assez d’humains transportant assez d’eau pour éteindre l’incendie qui détruit la maison commune.
La conscience de ces impasses peut conduire au découragement, au fatalisme, voir au désespoir. Sauf à sortir de nos schémas de pensée, en intégrant la double dimension planétaire et complexe des phénomènes qui sont à l’origine de la crise, pour définir des politiques publiques à l’échelle planétaire, ou, a minima, à l’échelle communautaire. Ces nouvelles politiques dessinent un nouveau régime de croissance, ou plutôt, un nouveau modèle de développement, au service « de tout l’homme et de tous les hommes » (comme le prophétisait, après François Perroux, l’encyclique Populorum progressio), et donc de leur habitat commun.
De telles politiques publiques resteront pure technocratie si nous ne trouvons pas de nouveaux modes de délibération collective qui permettent de leur donner une réelle légitimité ; une délibération démocratique éclairée par l’état des connaissances sur les phénomènes à l’œuvre, en refusant tout à la fois les certitudes définitives comme les vérités alternatives, qui ne sont que le nouveau nom du mensonge en politique. C’est, espérons-le, ce qui est en train de s’expérimenter à l’échelle nationale avec la conférence citoyenne pour le climat, et qu’il faudra transposer rapidement à l’échelle européenne comme internationale.
L’exercice est d’autant plus complexe que, de Tocqueville à Castoriadis, on sait à quel point la démocratie, comme le marché d’ailleurs, peut conduire à une forme d’égoïsme collectif, ou du moins à l’addition des égoïsmes, auxquels vont se heurter de telles politiques. Il faut, rien de moins, que la démocratie arrive à dépasser la conciliation entre des intérêts individuels ou de classe, pour se hisser à la hauteur de la gestion des biens communs de l’humanité, cette Res publica planétaire. La charrue démocratique seule n’y suffira pas si nous n’arrivons à l’accrocher à l’étoile d’une mystique républicaine qui trouve sa source dans les tréfonds des spiritualités qui voient dans la nature autre chose qu’une simple ressource matérielle dont les humains pourraient disposer sans limite.
Paris, le 8 décembre 2019, à l’occasion de la journée mondiale pour le climat.
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