« Tout commence en mystique et tout finit en politique » dit quelque part Péguy à propos des lanceurs d’alerte de l’affaire Dreyfus. Je ne sais s’il faut suivre son pessimisme désabusé et en faire une loi de l’histoire, mais c’est en tous cas ce qui semble être arrivé à la Primaire populaire, ce mouvement citoyen lancé au départ dans l’indifférence générale par quelques jeunes mus par une forme de passion démocratique et par l’urgence des enjeux environnementaux et sociaux, autour du slogan « 2022 ou jamais ».
Or, après l’échec de la candidature Taubira, désignée au jugement majoritaire pour essayer de fédérer autour d’elle et d’un socle commun l’ensemble de la gauche pour la présidentielle, et pour les législatives, mais qui n’a pas obtenu le nombre de parrainage nécessaires pour se présenter, le tout nouveau conseil d’administration de l’association « 2022 ou jamais » vient de décider de se rallier à la candidature de Jean-Luc Mélenchon.
Soyons clair, le problème n’est pas le choix du candidat de la France insoumise dont le programme reprend en grande partie le socle commun, même si lui-même n’a cessé de taper sur la Primaire populaire et est arrivé troisième après Yannick Jadot dans la procédure de jugement majoritaire ; et dont, au vu des ambigüités de ses relations avec des régimes autoritaires, beaucoup doutent que sa volonté de remettre en cause la monarchie présidentielle soit plus forte que celle d’un François Mitterrand, son mentor, qui avait lui-même analysé la Constitution de la cinquième République comme un « coup d’État permanent ».
Non, le problème est dans la méthode. Décider à une trentaine, en trois heures, du ralliement d’un mouvement citoyen qui avait suscité l’adhésion de prés de 500 000 personnes au seul vu des sondages conduit à s’interroger sur l’intérêt de cette révolution qui se voulait démocratique et qui ne sera finalement que géométrique : un grand mouvement circulaire pour revenir au point de départ. Tout ça pour ça !
Mais le plus grave n’est pas là. Cette décision de type léniniste va décourager nombre des bonnes volontés qui s’étaient investies dans la démarche. A commencer par l’une des principales initiatrices, Mathilde Imer, qui a annoncé ce lundi son départ de la Primaire populaire ; comme d’ailleurs nombre des « bonnes fées » qui s’étaient mobilisées autour du berceau. Sans parler de toute l’énergie citoyenne qui s’est investie pour forcer les partis de gauche à la reconstruire autour d’un projet. Car au delà de l’enjeu du scrutin présidentiel, dont on n’a plus guère de doute sur le résultat et qui ne sera donc pas, hélas, l’occasion d’un vrai débat programmatique, il y a les législatives, et la possibilité pour la gauche sociale et écologique de peser dans la prochaine mandature. Il y a surtout la nécessité de faire en sorte que cette gauche retrouve une capacité à incarner une espérance qui rejoigne des aspirations sociales et écologiques qui sont celles de la majorité des français. Le mouvement citoyen de la Primaire populaire aurait pu être le creuset de cette refondation. Ça ne sera pas le cas. Quel gâchis !
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